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voulait des chiffres, l’Italie méridionale qui, en 1860, comptait à peine 100 kilomètres de voies ferrées, en possède maintenant plus de 3 700, qui représentent une dépense d’un milliard et demi.

La multiplication des routes et des chemins de fer a devancé l’assainissement et l’embellissement des villes. Cependant, partout où il s’est établi une administration et une garnison, c’est-à-dire partout où des Italiens du Nord ont été obligés de vivre parmi les Italiens du Sud, les progrès sont rapides. Je ne parlerai pas ici de la transformation magique de Naples, qui a suivi de près la modernisation de Rome : ceux qui ont vu la ville avant le choléra de 1884 ne la reconnaissent plus. Dans les provinces il n’est pas de chef-lieu qui n’ait au moins son corso, son palais municipal bâti de neuf, son jardin public, souvent délicieux. Chaque année remplace quelques masures enfumées par des maisons coquettes à volets verts ou rouges. Si l’on veut accepter une fois encore mon témoignage, je dirai qu’en quatre années, j’ai pu suivre le développement très sensible de villes comme Aquila, Foggia ou Cosenza. Les municipalités ne se contentent pas d’embellissemens en façade ; partout on se préoccupe des deux questions vitales, la canalisation des égoûts et l’adduction de l’eau potable. Naples, on le sait, est devenue une ville nouvelle, du jour où les eaux pures du Serino y ont afflué. En ce moment on a mis à l’étude le projet d’un aqueduc gigantesque qui capterait en pleine montagne, non loin d’Avellino, toute une rivière, le Scie, qui l’entraînerait par un tunnel de plusieurs kilomètres jusqu’à la vallée de l’Ofanto, et qui la répandrait de là dans les trois Pouilles, de Foggia jusqu’à Lecce. Si l’on trouvait jamais les millions nécessaires, l’Italie moderne aurait réalisé un ouvrage d’utilité publique qui l’emporterait peut-être sur tous ceux des Romains.

Il faut dès maintenant reconnaître la grandeur de l’effort tenté et la somme des améliorations réalisées. Après avoir enlevé le royaume de Naples aux Bourbons, et après l’avoir disputé pied à pied aux brigands, il a fallu le conquérir au progrès, et faire entrer dans l’harmonie d’une nation moderne un pays qui semblait continuer au-delà de l’Adriatique les régions à demi sauvages de l’Albanie et de l’Epire. La maison de Savoie a repris énergiquement et mené courageusement l’œuvre que le gouvernement de Murat avait eu à peine le temps d’ébaucher. Lance qui voudra aux souverains et aux ministres italiens les accusations trop justifiées de gaspillage et de « mégalomanie » ; si, malgré