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nous sans éclater, ce qui n’émeut nullement le colonel Boy de la Tour, chef de la mission militaire suisse. Ce brave colonel a une boîte de thon, dont il m’offre généreusement une partie. Ma reconnaissance sera éternelle. Après quoi, comme l’averse de fer continue, de plus en plus drue, bien que d’ailleurs sans faire grand mal, nous escaladons le mamelon dont j’ai parlé tout à l’heure. De là, suffisamment abrités, nous assistons au commencement de l’attaque. Des batteries turques nous flanquent à droite et à gauche, et ouvrent le feu sur les Grecs qui ont, sur les collines opposées, quatre batteries, et deux pièces de position placées dans le fort de Domokos même, si je ne me trompe. En même temps, huit bataillons de la division Nechat dépassent le rocher où nous nous trouvons, et derrière lequel ils s’étaient concentrés, et marchent en avant avec résolution, tandis qu’Hadji Haïri tiraille de son côté sans guère faire de progrès. Les Grecs répondent par une fusillade trop nerveuse, mais extrêmement nourrie. Cependant les Turcs arrivent jusqu’à la petite rivière qui coule en cet endroit perpendiculairement au front des deux armées. Mais une fois là, leur mouvement se ralentit, ils se contentent de répliquer au feu de l’adversaire, retranché derrière des épaulemens élevés sur un assez large espace dans un emplacement bien choisi.

En somme, les Grecs et les garibaldiens tiennent ferme, ne se lassent pas. Hadji Haïri est arrêté par eux, et il est déjà quatre heures et demie. Les Grecs font des feux de salve et des feux individuels, incessans, roulans, qui barrent une partie de la plaine d’une grande ligne blanche. Leur résistance, derrière ces retranchemens très forts, est d’une énergie à laquelle il faut rendre justice. Sur le front, les huit bataillons de Nechat ne sont pas soutenus, et ce n’est qu’à six heures du soir qu’ils parviennent à s’emparer des premiers épaulemens, tandis que l’artillerie de Hadji Haïri ouvre le feu, de trop loin encore. Les obus sifflent de tous les côtés, l’air sent la fumée et la poudre, le jour se meurt, les schrapnels éclatent dans l’air en jetant un éclair "fugace, un canon turc à gauche est démonté avec deux chevaux morts, tandis que, chez les Grecs, un caisson saute avec une grande gerbe rouge qui illumine un instant un arbre décharné. Edhem envoie à Hadji Haïri deux batteries de renfort, et deux bataillons vont soutenir l’attaque de front. Celle-ci, d’ailleurs, n’était pas faite pour réussir, mais pour immobiliser la plus grande partie des forces