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point l’ambition de figurer à part dans les recensemens ; et parmi les adhérons, les uns figurent, au dénombrement des cultes, sous la rubrique : Évangéliques, et le restant sous la rubrique : Autres chrétiens.

Mais ce dernier vocable abrite aussi toutes les sectes franchement séparées : mennonites, qui refusent, au nom des livres saints, le service militaire et le serment judiciaire ; baptistes, qui ne confèrent le baptême qu’aux adultes ; méthodistes, qui savent avec une science consommée, par une sorte de gymnastique mystique et par l’habitude des confessions publiques, développer en eux-mêmes et chez leurs coreligionnaires la sensation du péché et celle du pardon divin ; irvingiens enfin, qui se réputent les représentans actuels de l’esprit prophétique, et qui, communiant tous chaque dimanche avec la chair et le sang de Jésus, attendent pour une prochaine échéance le jugement dernier.

Formant secte à part, mais vivant cependant en cordiaux rapports avec l’Eglise officielle, les Frères Moraves entretiennent entre eux, par les réunions fréquentes qu’ils tiennent dans leurs salles de prière, l’habitude d’une haute piété ; et tandis que l’Allemagne et la Suisse, représentant ensemble plus d’un cinquième du protestantisme universel, acquittent à peine le treizième des frais de propagande chrétienne dans les pays païens et ne fournissent que le septième des missionnaires, la modeste communauté des Frères Moraves, qui ne dépasse point en nombre la population d’une petite ville de province, entretient 174 missionnaires et dépense annuellement, pour la diffusion du christianisme, 495 000 marks. M. le pasteur Warneck, l’historiographe le plus compétent des missions protestantes, signale cet exemple à ses innombrables concitoyens des Eglises officielles comme une leçon qui les doit « couvrir de honte. »

Il fut un temps où ces diverses sectes, si sincèrement et si pleinement chrétiennes, étaient surtout fréquentées par les membres des classes élevées : ils y trouvaient un moyen d’échapper à l’Eglise de tous, et ressentaient quelque plaisir à composer comme une aristocratie du christianisme. De nos jours, au contraire, ce sont plutôt les petites gens, les ouvriers, les hommes de métiers, qui fréquentent volontiers ces sortes de boudoirs ; et l’on prétend même que le principal charme que certains y trouvent est de n’avoir point à faire toilette pour se rendre à la réunion de la secte. De sentir qu’ils y viennent d’eux-mêmes,