Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 144.djvu/188

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

famine. On n’a jamais connu exactement le nombre des indigènes qui périront victimes de la misère et des maladies épidémiques ; mais ce nombre doit être considérable, puisque, dans les districts de Domak ot de Grobogan. le chiffre de la population indigène fut réduit des deux cinquièmes[1].

La nouvelle de ce désastre discrédita en Hollande le système des cultures forcées. On vit surgir au parlement un orateur de grand talent, le pasteur Van Hoëvell, qui avait passé plusieurs années aux Indes : il se fit l’apôtre des idées libérales, qui voulaient la substitution du travail libre au travail forcé, et combattit avec ardeur le système du gouvernement ; s’il ne put faire accepter complètement ses principes, il en prépara le triomphe final. Le gouvernement entra dans une voie nouvelle en procédant à la diminution partielle des cultures trop écrasantes pour la population. Ainsi disparurent peu à peu les cultures du gouvernement, et l’abolition de la culture forcée du sucre fut le dernier coup porté au système de Van don Bosch, car la culture forcée du café, qui seule subsiste encore aujourd’hui, n’appartient pas au système introduit par ce réformateur : cette culture, en effet, n’oblige point les indigènes à céder une portion de leurs champs, principe fondamental du système de Van den Bosch.

Aux cultures du gouvernement succéda peu à peu la culture privée, avec laquelle le système Van den Bosch était incompatible, puisque l’État, qui était seul propriétaire du sol, et qui réunissait dans sa main toutes les forces productives, ne pouvait tolérer la concurrence des particuliers. L’industrie libre, pour se développer, demandait donc l’intervention du législateur. Ce ne fut toutefois qu’en 1861, que le parti des réformes arriva au pouvoir. Le ministre Thorbecke entra le premier dans la voie nouvelle par de timides tentatives. Son successeur, Fransen van de Putte, présenta, en 1865, un projet de loi qui entrait au cœur de la question coloniale et réglait les principaux points concernant les rapports de la culture gouvernementale avec la culture privée ; mais ce projet ne fut pas voté, à cause du principe nouveau qu’il proclamait, à savoir la reconnaissance à l’indigène de la propriété du sol qu’il cultivait. Enfin, en 1870, sur la proposition du ministre de Waal, les États généraux adoptèrent la célèbre « loi agraire » qui régit aujourd’hui encore la colonie. Cette loi permet

  1. Van der Lith, t. II p. 47, Rochussen, Toelichling en Verdedigung. La Haye, 1853.