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de tenter l’adultère dans les mêmes conditions, exactement, qu’elle a tenté le mariage, ses généreuses colères et ses belles exigences du troisième acte n’ont plus aucun sens. Ce n’est plus une féministe, ce n’est plus une ibsénienne ; ce n’est qu’une farceuse. — Bref, je crains que le parti pris morose de M. Brieux ne lui ait fait fausser tour à tour le caractère et le personnage des trois malheureuses sœurs.

Le dernier acte des Trois filles de M. Dupont n’est, décidément, qu’une pessimisterie. La pièce finirait sur une impression atroce, si elle ne finissait sur une sensation d’artifice. Ici, d’ailleurs, le didactisme, l’espèce de « c. q. f. d. » cher à l’auteur reparaît un peu trop... Mais, avec tout cela, la pièce, dans son ensemble, est merveilleusement vivante et comme foisonnante. Le talent de M. Brieux croît d’année en année, et ce talent me ravit, parce que ce n’est un talent ni d’humaniste, ni d’auteur mondain, et qu’il s’y trouve, à la fois, de l’ingénuité et de la pénétration, de la probité et de la malice, du réalisme et de l’idéologie, du bonhomme Richard et du Schopenhauer, de la maîtrise — et un trouble, une incertitude extrêmement intéressante dans sa sincérité. — Et quel bon type, quel type de haute comédie vraiment, que M. Dupont ! Sans compter tout ce que j’oublie.

M. Lérand (Dupont) et M. Mayer (Antonin) sont deux grands comédiens. Mlle Duluc a joué le rôle de Julie de toute son âme et de tous ses nerfs et avec la sincérité la plus frémissante. Mme Cécile Caron a composé celui de la dévote Caroline de très pittoresque façon. Mlle Mégard est une délicieuse Angèle, si douce, si navrée. Et je loue tous ensemble et sans détailler leurs mérites, mais je loue très sérieusement Mme Samary (Mme Dupont), Mme Jenny Rose (Mme Mairaut), M. Nertann (Mairaut) et M. Numès (Courthezon).


Le Vaudeville et les Nouveautés ont donné deux légères comédies, diversement charmantes, et qui ont beaucoup plu toutes deux : Jalouse, de M. Alexandre Bisson, et Petites folles, de M. Alfred Capus. Je les retrouverai le mois prochain ; — comme aussi le théâtre Antoine, à qui je souhaite de tout cœur la bienvenue et dont les débuts ont été si heureux.


Vous parlerai-je de l’étonnante « affaire Dubout » ? Non ; pas aujourd’hui. J’attendrai que la justice ait prononcé, puisque M. Dubout a cru devoir lui soumettre ses doléances d’auteur tombé.


JULES LEMAITRE.