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se tiendra-t-il pour satisfait des résultats acquis ? Nous n’en savons rien. On commence à voir se dessiner l’attitude du gouvernement espagnol ; celle du gouvernement des États-Unis reste encore confuse, et même un peu équivoque. Aussi tout danger ne nous paraît-il pas encore écarté. Il le serait sans doute si les deux gouvernemens restaient en tête à tête, et pouvaient causer amicalement de leurs intérêts qui ne sont pas inconciliables ; mais il faut toujours compter, d’un côté comme de l’autre, avec les passions de partis, avec les intrigues de coteries, et malheureusement tous les nuages que ces passions et ces intrigues avaient accumulés ne sont pas encore complètement évanouis.

Il y a un autre danger, moins grand, mais sur lequel nous n’hésitons pas à nous expliquer en toute franchise. Au surplus, nous avons déjà fait allusion à la manière dont M. Moret, le ministre le plus important du cabinet actuel à côté de M. Sagasta, comprend les rapports que doit avoir l’Espagne, non seulement avec le nouveau, mais avec l’ancien monde. On est peut-être surpris, au premier abord, que les partis espagnols, qu’ils s’appellent conservateur ou libéral, puissent avoir des idées différentes sur l’attitude que doit observer leur pays à l’égard de l’Europe. M. Canovas avait à cet égard une opinion très simple, simple comme le bon sens, simple comme le véritable esprit politique. Il estimait que l’Espagne devait conserver une attitude de réserve à l’égard de toutes les puissances, persuadé qu’elle trouverait partout des sympathies très sincères, mais nulle part un appui effectif. M. Moret, dans ses discours d’opposition, a paru croire le contraire. Très préoccupé de la politique générale de l’Europe, où il a essayé quelquefois de jouer un rôle, il a dit très haut que l’Espagne devait profiter des circonstances actuelles pour se rapprocher de telles ou telles puissances, ou de tel groupe d’entre elles. C’est une tendance fâcheuse chez quelques hommes d’État espagnols de croire que leur pays peut avoir avantage à exploiter les rivalités continentales, et à user de coquetterie avec les groupemens opposés. D’autres en Europe ont essayé de le faire, et ne s’en sont pas toujours très bien trouvés : peut-être en est-il qui regrettent aujourd’hui l’imprudence avec laquelle ils ont pris certains engagemens. Il en est aussi qui ont cru rencontrer des encouragemens formels là où il n’y avait que des marques de bienveillance, quelquefois, il est vrai, assez mal mesurées, et qui, après s’être lancés dans des aventures, s’y sont trouvés cruellement isolés. Ce sont là des exemples sur lesquels nous ne voulons pas insister. Dans le jugement à porter sur les rapports qu’il convient