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de la nation sur la puissance royale. Quand, à l’ouverture des États Généraux, le conflit sur le vote par ordre ou par tête divisa la noblesse et le tiers état, le clergé, en s’unissant aux communes, donna le branle au glas de l’ancien régime, apporta la légalité du nombre aux réformateurs, troubla la résistance de la noblesse et vainquit les hésitations du roi. Or, tous ces changemens dépouillaient le clergé de ses avantages, et il donna par la preuve décisive, le sacrifice de ses intérêts particuliers, la mesure de son zèle pour l’intérêt public. Il ne résista que le jour où l’Assemblée constituante prétendit modifier la discipline et la foi de l’Église ; alors, aussi résolument qu’il s’était prononcé contre les abus de l’ancien pouvoir, il combattit les abus du pouvoir nouveau, et par ce changement d’attitude affirma la fixité de ses principes. Quand enfin l’Église ne put se méprendre sur les haines qui trouvaient, dans ses légitimes réserves, prétexte pour l’accabler, il eût été sans résultat comme sans dignité pour elle de débattre davantage les conditions de sa vie avec ceux que sa mort seule devait satisfaire. Tout se réduisant à savoir qui se lasserait le plus vite ; elle de souffrir ou eux de frapper, elle n’eut peur ni du présent ni de l’avenir. Parmi les prêtres, les uns acceptèrent l’exil et toutes ses détresses ; les autres ne voulurent pas se séparer de leur troupeau ; beaucoup, après avoir, par cette vie de périls, affermi leur constance, la consommèrent par la mort intrépidement acceptée. Cette force de la foi ne soutint pas seulement le clergé, elle souleva des provinces entières. À la révolte catholique de la Bretagne et de la Vendée le royalisme des gentilshommes se mêla, mais sans la dominer ; elle commença, non lorsque la monarchie fut supprimée, mais lorsque l’exercice de la religion devint impossible ; elle dura tant que le gouvernement maintint ses lois persécutrices ; elle cessa dès qu’il promit le respect aux consciences. Seul en France le courage religieux sut combattre et vaincre la République victorieuse de l’Europe. Si le patriotisme frémit à la pensée que la guerre civile risquait de compromettre le sort de la guerre extérieure, il réserve ses colères pour ceux qui, même en face de l’Europe coalisée et des frontières ouvertes, ne voulurent pas la paix intérieure, et risquèrent le démembrement de la France pour la joie d’y réduire au désespoir les catholiques. Et ces provinces qui, selon la formule même du droit nouveau, opposaient à la tyrannie l’insurrection comme le plus saint des devoirs, ce peuple en tout le reste