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que le Pape, seul précurseur des souverains constitutionnels, régnât et ne gouvernât pas.

Mais dès que les liens de l’Église furent rompus avec le pouvoir civil, et que la persécution eut dispersé le clergé, plus de concert avec l’État, plus de délibération entre les chefs du sacerdoce pour régler les affaires importantes de l’Église. Mystérieuse semence du bien dans les maux, et de l’ordre dans les destructions ! C’est un épiscopat recruté par les rois qui les avait le plus aidés à distendre les liens entre la papauté-et la France ; et c’est l’épiscopat surtout qui se trouva écarté de France par la persécution. Quand il s’agissait de mourir, ces évêques grands seigneurs avaient montré comment ils savaient tomber dans la double majesté de leur foi et de leur race ; mais quand il s’agit de vivre, et de perpétuer la vie catholique dans la nation, à travers les déguisemens, les alertes, les fatigues, la faim, les asiles sordides, et toutes les épreuves de la misère, ils se trouvaient, par leur naissance, leurs habitudes, leur air, inaptes à ces vulgarités héroïques. Seul le clergé inférieur était assez obscur, assez semblable à la foule, assez accoutumé par son origine à toutes les rudesses de l’existence, pour continuer en secret son ministère. Entre le prélat sur les routes de l’exil et les prêtres errans sur le sol de France, sans cesse chassés de leurs asiles, les uns par les victoires de nos armes, les autres par l’espionnage de la police, les communications étaient rares, incertaines, lentes, parfois impossibles : alors ces prêtres, isolés les uns des autres ne retrouvaient de chef visible et d’union avec la catholicité qu’à Rome. La vie de cette Église se fût arrêtée, sans le secours de l’évêque universel. Le vide de l’autorité religieuse fut comblé par le Souverain Pontife. Le Pape suppléa la fonction des évêques plus que jamais aux jours de l’orgueil gallican ils n’avaient amoindri la sienne. Le même rapprochement qui se fit entre le Pape et le prêtre se fit entre le laïque et le Pape. Celui-ci avait été comme soustrait aux regards de la France par l’interposition de la royauté et du clergé national : or les rois avaient disparu, les évêques étaient au loin, les prêtres vivaient cachés. Tout ce qui le voilait était tombé ; seule, aux yeux des chrétiens, la papauté restait debout dans sa stabilité et sa puissance. Quand cette souveraineté eut été rétablie dans leur intelligence et dans leur respect, il ne manquait, pour leur rendre le Pape plus proche encore, que sa présence sur le sol français. La captivité de Pie VI acheva sa victoire. Après