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dut céder. Mais, persuadé par cet échec même qu’il avait besoin de garanties, il se les assura par les articles organiques, et ne rendit pas les Légations. L’une et l’autre dépossession excitèrent les plaintes du Saint-Siège : mais, nouvelle preuve qu’il tenait à ses avantages temporels comme à des instrumens de sa mission morale, et préférait sa mission à ces avantages, il réclama avec moins de persévérance et de force la plénitude de sa souveraineté politique en Italie que la plénitude de son magistère religieux en France. Et quand Pie VII, espérant de la reconnaissance impériale une solution de ce double conflit, vint en 1804 sacrer Napoléon, et voulut emporter de Rome les preuves les plus utiles à sa cause la plus chère, il ne choisit pas les actes des donations qui établissaient la légitimité de son droit sur ses domaines, il choisit dans ses archives la lettre écrite par Louis XIV à Innocent pour abandonner la Déclaration de 1682.

La gratitude de Napoléon envers l’Église fut de ne rien exiger au de la de ce qu’il lui avait pris. Mais déjà se succèdent les campagnes de 1805, 1806 et 1807, chacune admirable de sa beauté propre, toutes plus belles de leur continuité : en trois années la France abat, d’un mouvement régulier, et comme trois moissons mûres, les trois peuples les plus forts du continent. L’orgueil du vainqueur monte avec sa fortune : si haute soit-elle, il la domine ; si rapide qu’elle marche, il la devance. Il se heurte à la puissance temporelle des Papes.

L’Empereur ne songeait pas à conquérir les États pontificaux lorsqu’en octobre 1805, les englobant dans les combinaisons temporaires de sa stratégie, il occupa Ancone. Mais, après Austerlitz, cet empereur de deux ans pensait à organiser en Europe une hiérarchie des couronnes et la primauté de la sienne. C’est pourquoi il répondit à la protestation du Pape : « Votre Sainteté est souveraine à Rome, mais j’en suis l’Empereur. Tous mes ennemis doivent être les siens[1]. » Pie VII répliqua aussitôt : « Votre Majesté est infiniment grande, elle a été couronnée, consacrée, reconnue Empereur des Français, mais non Empereur de Rome. Il n’existe pas d’Empereur de Rome[2]. » Sans plus discuter. Napoléon occupa les ports pontificaux de la Méditerranée comme ceux de l’Adriatique, et la papauté, selon sa coutume, ayant sauvé son droit par sa protestation, prit le fait en patience. Après Iéna, il ne suffit

  1. Lettre de l’Empereur au Papa, 22 février 1806.
  2. Du Pape à l’empereur, 21 mars 1806.