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désespérés de son pouvoir temporel il serait coupable de suspendre sa fonction essentielle, et de se refuser au salut des âmes. Mais elle ajoute qu’il serait coupable, s’il laissait à ces âmes la sécurité d’une fausse paix, si par une vaine pitié pour la quiétude des individus il abandonnait les droits de l’Église universelle et lui cachait qu’elle est en péril quand son chef n’est pas en liberté. Or, parce qu’il n’a pas consenti la spoliation de ses États, on lui a enlevé même la liberté de sa personne. Captif, il se trouve hors d’état d’exercer son gouvernement spirituel, il refuse donc d’examiner les candidatures épiscopales.

Cet obstacle pouvait-il être tourné, et sans bruit ? Napoléon, qui souhaitait alors le silence, consulta ses théologiens. Parmi les ecclésiastiques de son Empire il en avait distingué quelques-uns, fort dissemblables, mais dans les qualités ou les défauts desquels il aimait la dévotion à sa volonté. C’étaient son oncle Fesch, chanoine avant 1789, impie durant la Révolution, redevenu prêtre en devenant archevêque et cardinal, inquiet de concilier ce qu’il devait à son neveu et à l’Église, et, comme Dieu lui semblait plus patient que l’Empereur, allant d’abord au plus pressé ; Maury, sorti de l’Assemblée constituante avec la gratitude du roi et du Pape, mais infidèle au roi, puis au Pape, quand il avait espéré davantage d’un autre maître, et, pour servir une ambition sans scrupules, capable, sinon de tous les courages, au moins de toutes les effronteries ; de Pradt, archevêque nommé de Malines, moins prêtre encore que Maury, un subalterne de l’intrigue, un impudent de la flatterie, l’homme qui s’appelait « l’aumônier du Dieu Mars » ; de Barral, archevêque de Tours, gentilhomme qui pensait en chrétien, parlait en sceptique, et agissait en courtisan ; Mannoy, évêque de Trêves, ancien professeur de Sorbonne, docte sur la matière gallicane ; surtout Duvivier, évêque de Nantes, à la fois exemplaire de mœurs, instruit, habile, grave et souple, de ces hommes qui cachent sous la dignité de leur vie la faiblesse de leur caractère. Ils devinrent un petit conseil d’État pour les affaires ecclésiastiques. Un seul homme indépendant leur était adjoint, l’abbé Emery : l’Empereur estimait sa fermeté, provoquait sa franchise, et après avoir appris de lui la difficulté, chargeait les autres de la résoudre.

Pour tourner celle des investitures, voici ce qu’ils proposèrent. Selon le droit canonique, dans les diocèses vacans les pouvoirs d’administration passent au chapitre de la cathédrale, et celui-ci