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[1] où, s’accusant de s’être trompé à celui qu’il pourrait accuser de l’avoir trompé, il refuse sa sanction aux préliminaires. Pour toute réponse, Napoléon fait enlever un cardinal, interdit aux autres de conseiller le Pape, resserre autour de celui-ci la captivité, et déclare le Concordat de Fontainebleau loi d’État[2].

Conflit nouveau et sans issue tant que durera l’Empire. Mais déjà il s’agit de savoir si l’Empire durera. Napoléon s’épuise à le défendre, en 1813 hors de nos frontières, en 1814 sur le sol de la vieille France. C’est à Fontainebleau, dans ce même palais où il s’est fait céder par le Pape tous ses États de l’Église et une partie du pouvoir spirituel, qu’il doit tout abdiquer. Et quand il part pour gagner sa principauté dérisoire, l’île de sa première captivité, quand, après le dernier retour d’une ambition que ne suit plus la fortune, il est réduit à subir sa suprême épreuve, l’hospitalité de l’Angleterre, quanti les souverains de l’Europe se montrent implacables et ne songent qu’à faire disparaître avec « l’usurpateur » le souvenir de leurs trahisons les uns envers les autres, et de leur commune servilité, un seul élève en faveur du vaincu une voix de pitié, c’est le Pape, celui qui a le plus souffert et le moins fléchi.

Durant ces premières années du siècle, pleines de gloire militaire, vides de grandeur morale, et où il semblait moins difficile de mourir que de rester debout, si l’honneur de la dignité humaine ont un refuge, ce fut l’Église. Elle ne se montra pas toujours ni partout égale à elle-même, plusieurs y eurent un courage imparfait et tardif, plusieurs des passions basses, et son chef même faillit succomber. Mais ceux des siens qui cédèrent firent ce que faisaient tous les hommes, ceux qui surent déplaire et souffrir firent ce que ne faisait personne. Son courage empêcha que la prescription s’accomplit contre la liberté, sa solitude et ses faiblesses prouvèrent combien résister était difficile, ses erreurs ne livrèrent rien d’essentiel, et sa fermeté finit par tout sauver.


Cette épreuve fut pour le catholicisme, en même temps qu’un grand honneur, le commencement d’une grande leçon.

Depuis la Révolution française, tout avait trompé les désirs et les espoirs de l’Église. Fidèle à son idéal de société chrétienne,

  1. 24 mars 1813.
  2. 2 avril 1813.