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L’application de ce projet présenterait de sérieuses difficultés.

Pour permettre à l’État, aux villes, aux communes, d’exclure des fonctions publiques une certaine catégorie de médecins, il faudrait une loi ; et il est bien probable qu’il serait impossible de la faire voter par le parlement. De plus, comment ce conseil de médecins pourrait-il faire son enquête ? Il n’aurait aucun pouvoir pour obliger le témoin à se présenter devant lui, il n’aurait pas le droit de lui faire prêter serment, il ne pourrait pas confronter les divers témoins dont les dires seraient contradictoires.

Ce sont là des difficultés de procédure, mais je voudrais qu’elles pussent être écartées, car le projet est bon sur un point : ces chambres de discipline auraient toute l’autorité nécessaire pour juger les questions d’honorabilité et de dignité professionnelle ; elles pourraient, au besoin, donner de salutaires avertissemens, prévenir le jeune médecin que telle pratique est irrégulière, et par là rendre de grands services.

Le projet soulève d’autres critiques :

La punition la plus forte, infligée par le collège, est l’exclusion de son sein ; mais aurait-on le droit d’exclure ?

Quant à l’affichage du jugement, auquel on a dû renoncer pour les débitans de denrées falsifiées, il serait bien difficile d’y avoir recours envers un homme en faveur duquel déposeraient les malades, les voisins, etc. Il irait toujours en appel. Nous l’y retrouverons tout à l’heure.

D’autre part, comment punir une faute commise ? Il faut d’abord la définir. Qui pourrait affirmer que ce qui serait toléré dans un département n’entraînerait pas l’exclusion dans le département voisin ? Il faudrait donc promulguer un code formulant les règles que les médecins doivent observer dans leurs rapports avec les malades et entre eux-mêmes ; mais ce code, est-il possible de le faire ? Bien des facteurs entrent en jeu dans cette notion toute morale que l’on désigne sous le nom de déontologie.

Que fera le conseil médical, quand un plaignant lui affirmera qu’un malade a succombé, non aux suites de la maladie, mais à celles du traitement ? Est-il possible d’affirmer absolument qu’un traitement est mauvais, qu’un médicament est nuisible ? Assurément non : ce que l’on condamnera aujourd’hui sera bon demain.