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dans des Soldats passant un défilé, de M. Alexandre, dans un paysage Après le coucher de soleil, de M. Bucquet, le président du Photo-Club, dans des paysages de MM. Hannon et Watzeck, dans les effets de sable de Marée basse, de M. de Védrines, dans une Paix d’or sur la contrée, de M. Smedley Aston. Une autre œuvre, curieuse par sa vérité poignante et sa tranquille ironie, est cette rue perdue dans la brume et l’eau, déserte, ponctuée en son milieu d’un cab noir, intitulée Beau temps à Londres, de M. Colard. Il est difficile de donner, en raccourci, une impression plus profonde de cette ville des fumées de l’usine et des fumées du cerveau, de cette ville triste, cette ville mystique et manufacturière, la ville des assommoirs discrets, des tabagies occultes, des lentes consomptions, où seules la vertu et la réforme sortent avec fracas, affirmant la morale par des coups de trombones et des roulemens de tambours...

Si ces photographies nouvelles ont fait au public l’impression que lui font les sanguines ou les fusains, si elles n’ont pu être obtenues que grâce à l’intervention trois fois répétée d’un homme doué de goût et de doigté, quelles sont donc les raisons qui s’opposent à ce que nous les appelions des œuvres d’art ? Nous avouons, pour notre part, ne point les apercevoir très clairement... Il est vrai que cette intervention n’est point aussi longue ni aussi décisive que celle de l’artiste, obligé de dessiner et d’ombrer de sa main, sa toile ou son papier, d’un bout à l’autre. Dans la photographie, toute une partie de son travail est faite par la machine et simplifiée par le procédé. Mais depuis quand juge-t-on de la valeur artistique d’une œuvre par la difficulté du procédé ? Parce que le pinceau trempé dans l’encre de Chine nous fournit plus vite le ton du ciel ou du terrain que le fusain, faut-il dire que, nécessairement, le premier procédé est moins artistique que le second ? Et parce que le fusain, aidé de l’estompe, simplifie cent fois, pour tonaliser un ciel ou ombrer et masser des arbres, le travail sec et dur de la mine de plomb, faut-il dire qu’un beau fusain est moins une œuvre d’art qu’un papier noirci de hachures pour le ciel et de « beau feuille » à la mine de plomb ? A quelle étrange conclusion ainsi l’on arrive ! Et mieux encore, parce que le dessinateur, comme était M. Berlin, obtient plus vite son effet sur un papier bleuté qui lui fournit un ton général tout préparé, faut-il dire qu’il est moins un artiste que celui qui passe des heures à couvrir tout un papier blanc du fin réseau de ses