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puis ils finissent comme celui de la Marguerite de Faust, avec un orphelin de plus jeté sur cette terre... Bienheureux encore quand la honte ne tue pas la maternité, et quand la maternité ne tue pas l’enfant ! » Malheureusement pour le trop ingénieux adaptateur de Schiller, Intrigue et Amour est antérieur de beaucoup d’années à la publication du premier Faust...

Seulement on citerait sans peine, il faut le dire aussi, des écrivains de ce temps qui ont fait de persévérans efforts pour se mettre au courant du mouvement intellectuel d’outre-Rhin. Dès 1825, Michelet séjourne en Allemagne, apprend la langue, lit Niebuhr, Herder, Grimm, — et on sait de reste tout ce qu’il leur doit ; — il étudie la philosophie allemande avec tant de ferveur qu’il en a « la tête brisée. » Guizot tout jeune encore, précepteur dans la maison d’Albert Stapfer, l’ancien ministre de la république helvétique à Paris, se nourrit de Kant et de Klopstock, et, plus tard, se glorifie de s’être formé « à l’école de Lessing. » Edgar Quinet, — « profondeur allemande, sensibilité allemande, bourdonnement de hannetons allemands », ainsi le définissait Henri Heine, — séjourne à Heidelberg dans l’intimité de Creutzer et de Niebuhr, traduit Herder, s’imprègne de poésie germanique et écrit Ahasvérus, un Faust à l’usage de la France : ce qui vaut mieux, il se fait, dans ses livres, l’interprète ingénieux, savant et pénétrant de la pensée allemande parmi nous. Sainte-Beuve lui-même, qui se disait, entre intimes, « ignorant en matière d’outre-Rhin », se laisse gagner à la contagion, songe à un voyage d’Allemagne, traduit, dans les Pensées d’août, un peu d’Uhland, un peu de Rückert, un peu de Kœrner, et écrit une nouvelle de Christel, dans le goût germanique, où il parle avec tendresse de Klopstock. Et n’est-ce pas à lui-même peut-être qu’il songeait quand, faisant le tour des idées littéraires de Chateaubriand, il lui reprochait un jour de s’être enfermé dans des horizons littéraires un peu trop circonscrits, « trop purement romains et gallo-romains » ? Sainte-Beuve, — il est permis de le croire, — a toujours regretté de n’avoir pas poussé plus loin ses études germaniques.

Lui-même se plaisait à reconnaître l’influence que de telles études avaient exercée sur quelques-uns de ses contemporains. Charles Nodier, — qui ne fut pas un grand érudit en matière d’Allemagne, mais qui savait comprendre et goûter les écrivains allemands, — avait dû beaucoup, c’est lui-même qui le proclame, à Bürger, à Goethe, à Jean-Paul, et il fut l’un des fervens de Hoffmann.