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Loir-et-Cher adhéraient, souscrivaient. Au début de 1896, Nantes, Angers, Saumur, Tours, Blois, Orléans, Gien, Poitiers, étaient ligués. Le 18 mai, un congrès réunissait des adhérens de tout le bassin de la Loire. Saint-Nazaire même se joint à la ligue. Les souscriptions affluaient, des conseils généraux et municipaux, des chambres de commerce, des particuliers même. Le comité d’initiative lançait des conférenciers dans tout le pays et y répandait son journal, la Loire navigable. Neuf comités régionaux recueillaient les vœux de plus de 200 corps élus, depuis les conseils généraux jusqu’aux syndicats agricoles et aux sociétés de prévoyance, et 200 000 signatures environ les appuyaient, données par les électeurs des villages aussi bien que des villes. Devant un tel accord de volontés, le ministre fit reprendre les études antérieures. Après le dépôt d’un premier rapport, il nommait une commission où figurent M. Fargue, dont on sait les beaux travaux sur la Garonne, et M. Girardon, qui a rendu le Rhône navigable. Elle étudie, dès à présent, le lit du fleuve, pendant qu’une enquête, demandée par elle, se fait auprès des intéressés sur l’utilité économique de l’œuvre qu’ils réclament.

Peut-être jugera-t-on oiseux les détails qui précèdent. Nous ne le croyons pas. L’entrain avec lequel cette campagne se poursuit doit réjouir même les philosophes les plus indifférens aux intérêts matériels. On a donné, sans compter, argent et peine. C’est par l’initiative privée et corporative que tous les résultats sont obtenus. Dans ces départemens à l’esprit souvent individualiste, alanguis par un doux climat, divisés par les luttes politiques et religieuses, on voit s’unir, pour une action commune, des hommes que séparaient traditions, croyances, intérêts, profession. Et l’on ne s’adresse à l’État qu’au jour précis où l’on ne peut plus se passer de sa permission et de ses ressources. C’est là, nous semble-t-il, un fait social très important. Alors même qu’on ne pourrait rendre la Loire navigable, le concours spontané des volontés consolerait presque d’un échec. Mais il n’est pas à craindre : nous avons vu que le fleuve avait été navigable ; qu’il pouvait le redevenir ; et qu’il fallait qu’il le redevînt, pour le bien de l’agriculture, de l’industrie, du commerce, et de la défense nationale.


ÉMILE AUZOU.