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Non. S’est-il même agi de donner passage à des troupes étrangères sur son territoire ? Jamais. Qu’est-il donc arrivé ? Il est arrivé que la France est une des cinq grandes puissances qui composent l’alliance ; qu’elle y restera invariablement attachée, et qu’en conséquence de cette alliance, elle trouvera, dans des cas prévus et déterminés, un appui qui, loin d’affecter sa dignité, prouve le haut rang qu’elle occupe en Europe. L’erreur de nos adversaires est de confondre l’indépendance avec l’isolement. Une nation cesse-t-elle d’être libre, subit-elle un joug honteux parce qu’elle a des rapports avec des puissances égales en force et soumises à la condition d’une parfaite réciprocité ? Voudrait-on faire des Français une espèce de peuple juif séparé du genre humain ? A quel reproche bien autrement grave serait exposé le gouvernement, s’il n’avait rien prévu, rien combiné et si, dans le cas d’une guerre pour lui, il eût ignoré jusqu’au parti que prendraient les grandes puissances ! Lorsque nous n’avions pas d’armée, lorsque nous ne comptions pour rien parmi les États du continent, personne ne disait que nous étions esclaves. Aujourd’hui que notre résurrection militaire étonne l’Europe, que nous élevons, dans le conseil des rois, une voix écoutée, que de nouvelles conventions effacent le souvenir des traités par lesquels on nous fait expier nos victoires, on s’écrie que nous subissons un joug humiliant. »

La péroraison de son discours fut particulièrement remarquée :

« Quant aux ministres, messieurs, le discours de la couronne leur a tracé la ligne de leurs devoirs. Ils ne cesseront de désirer la paix, d’écouter toute proposition compatible avec la sûreté et l’honneur de la France ; mais il faut que Ferdinand soit libre, il faut que la France sorte à tout prix d’une position dans laquelle elle périrait bien plus sûrement que par la guerre. Si la guerre avec l’Espagne a, comme toute guerre, ses inconvéniens et ses périls, elle aura eu pour nous cependant un immense avantage. Elle nous aura créé une armée ; elle nous aura fait remonter à notre rang militaire parmi les nations ; elle aura décidé notre émancipation et rétabli notre indépendance. Il manquait peut-être encore quelque chose à la réconciliation complète des Français. Elle s’achèvera sous la tente ; les compagnons d’armes sont bientôt amis, et tous les souvenirs se perdent dans la pensée d’une commune gloire. Le Roi, ce Roi si sage, si paternel, si pacifique, a parlé. Il a jugé que la sûreté de la France et la dignité de la