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de l’Afrique du Sud nombre de ses anciens panégyristes.

Autre abus, peut-être plus fréquent chez nous et tenant, lui aussi, à la constitution des sociétés. Beaucoup, jusque parmi les plus sérieuses, ont un vice de naissance, un défaut de complexion en quelque sorte congénital, dont elles souffrent longtemps, et dont il n’est pas rare qu’elles meurent. Elles ont été constituées, en venant au monde, à un capital nominal trop élevé, un capital enflé qu’elles ne peuvent rémunérer. Selon l’expression américaine, le capital a été dilué, étendu d’eau, watered, afin de procurer aux fondateurs un plus gros bénéfice en permettant de leur remettre, en échange de leurs apports, un plus grand nombre d’actions qu’ils se hâtent d’ordinaire d’écouler à la Bourse, souvent même au-dessous du pair. Ces fondateurs ne sont pas toujours des financiers, mais bien des industriels, jaloux de réaliser leur avoir ou leurs entreprises, en les passant au public, sous forme de compagnies anonymes. Pour cela, ils majorent, indûment, leurs bénéfices, évaluent leurs apports à la nouvelle société, c’est-à-dire leurs brevets, leurs établissemens, leur clientèle, au double, au triple de la valeur réelle, si bien que, en deux ou trois ans, les nouvelles actions tombent à moitié prix. C’est une des raisons pour lesquelles tant d’industries prospères avant d’être mises en société périclitent dès qu’elles sont aux mains d’une compagnie. Ces détestables pratiques sont devenues si fréquentes qu’elles sont presque la règle. Les apports des fondateurs ainsi majorés, les promoteurs de l’affaire ont soin d’en faire vérifier l’exactitude par des compères, habilement désignés aux assemblées d’actionnaires. Que d’exemples nous aurions à citer parmi les entreprises industrielles les plus connues ! Une exposition universelle a fait, à telle maison, une réclame colossale ; les chefs passent l’affaire au public avec un capital enflé ; ils se retirent en faisant charlemagne.

Les lois ne sont pas assez sévères et, ce qui est plus triste, l’opinion se montre trop indulgente pour ces procédés déloyaux. Ils devraient déshonorer tous ceux qui s’en rendent complices. Au lieu de cela, c’est, aux yeux du public, une habileté comparable à celle du maquignon qui truque sa marchandise pour la vendre plus cher ; encore n’y a-t-il pas, ici, de vices rédhibitoires. Pour n’être pas injuste, il faut reconnaître que toutes les sociétés par actions sont loin d’être viciées, à leur origine, par de pareilles pratiques. Beaucoup sont irréprochables, et ce sont, précisément,