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C’était là, en effet, le véritable motif de l’abstention autrichienne. Nous avons vu, avant, pendant et après le congrès de Vérone, la manière dont le prince de Metternich avait toujours cherché à contrarier l’action de la France et les soupçons malveillans pour sa politique qu’il avait cherché à inspirer à l’empereur Alexandre. Ses efforts ne s’arrêtèrent vis-à-vis de nous que lorsque, par notre intervention en Espagne et la délivrance du roi Ferdinand, l’attitude du cabinet français démontra clairement notre résolution d’en finir avec la révolution espagnole. M. de Metternich comprit qu’il perdrait son temps et son crédit auprès de l’empereur Alexandre, en agitant vainement devant lui le fantôme de la révolution que nous allions précisément combattre. Mais son opposition contre nous était pour ainsi dire devenue trop naturelle, par la longue habitude qu’il avait eue de nous combattre, pour s’arrêter si vite en chemin. Elle changea seulement de forme. L’extrait suivant d’une lettre de M, de La Ferronnays, du 19 juin 1823, adressée de Saint-Pétersbourg à Chateaubriand, le démontre suffisamment.

« Les démentis, lui écrit-il, que les actes du gouvernement et notre conduite en Espagne ne cessent de donner à M. de Metternich ne le découragent cependant pas. Il a fait croire tant de choses à l’empereur Alexandre, depuis quelques années, qu’il ne désespère pas encore de lui persuader que nous arrivons à Madrid, nos poches pleines de constitutions ; que, dès que nous aurons libéralisé l’Espagne à notre façon, la tête nous partira et que l’on a tout à redouter des extravagances auxquelles nous pouvons nous porter. Déjà même, les secrétaires de la mission autrichienne relèvent ici et font remarquer l’emphase avec laquelle quelques-uns de nos journaux parlent du rôle que nous jouons et de l’importance que nous donne à nos propres yeux la conduite de notre armée.

Le fait est qu’on nous aimait bien mieux, quand on pouvait mettre en doute sa fidélité et qu’il était possible de la supposer prête à se rallier aux factieux contre le gouvernement. Alors les inquiétudes paraissaient avoir quelque chose de fondé, qui semblait donner aux autres le droit de s’entendre pour nous surveiller. On nous tenait ainsi dans une sorte de dépendance dont on n’aime point à nous voir sortir. On doit donc chercher et saisir avec empressement tous les moyens possibles de faire naître sur nous de nouvelles méfiances et, si on ne peut nous empêcher de