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en quoi ce travail est « prodigieux », voilà ce qui nous échappe. — En second lieu, l’étourderie ; — je n’en citerai qu’un exemple. Parmi les influences qui ont permis au naturalisme de se constituer, on pouvait penser que M. Meunier ne manquerait pas de donner une large place aux doctrines positivistes. Mais vous aurez beau consulter l’index, interroger la table des matières, fouiller le livre : le nom d’Auguste Comte n’y est même pas prononcé. Et comme on ne peut soupçonner l’auteur de dédain à l’égard d’Auguste Comte, ce n’est donc qu’inadvertance. Ajoutez l’assurance dogmatique dans les affirmations. « Le type du vers classique est bien fini... » Or les plus révolutionnaires entre les réformateurs crient très haut que le vers classique reste pour les symbolistes, comme il est resté pour les romantiques et les parnassiens, le type même du vers français. La hardiesse dans les métaphores : « Armé de ce levier puissant de l’évolution, M. Brunetière a éclairé bien des points obscurs ou inexplorés de notre littérature. » Le manque de proportions, M. Meunier écrit bravement, à propos de Germinie Lacerteux : « Cette œuvre est d’une importance considérable dans l’histoire littéraire contemporaine » ; et il déclare sans sourciller à propos de l’œuvre de M. Hector Malot, qu’elle offre « des parties qui rappellent Balzac par l’art de créer et de faire vivre les caractères »... Mais on le devine aisément, c’est quand il en vient à parler de M. Zola que son enthousiasme ne connaît plus de mesure, et que son lyrisme se déborde. M. Zola, « qu’il ne faut jamais perdre de vue lorsqu’on envisage l’évolution des doctrines naturalistes depuis un demi-siècle », M. Zola lui apparaît dans une « gloire », suivant l’usage des tableaux de piété, ou dans une « apothéose » suivant la poétique des féeries. Celui-ci résume dans une synthèse harmonieuse les mérites de tous les grands écrivains et il possède des qualités que les autres n’avaient pas ; il a cette émotion en face de la nature, qui manquait à Balzac ; il est venu pour proclamer l’efficacité morale et sociale de l’art et lui « rendre ses véritables titres » méconnus par Flaubert ; et Flaubert et Balzac comme Chateaubriand ne sont que Flaubert, que Balzac, et Chateaubriand, mais M. Zola est « le Maître. » Tous les autres procèdent de lui ; ceux même qui ne se sont pas gênés pour le honnir, n’étaient que des ingrats, puisqu’ils lui doivent le meilleur de leur talent. Si Alexandre Dumas, après le Demi-Monde, et les Idées de Madame Aubray, s’est enfin haussé à écrire Francillon, qui, paraît-il, est le plus bel effort de son art, c’est que cet art s’est v attendri et baigné dans le courant de tristesse et d’humaine pitié que le puissant génie de M. Zola, plus encore que l’influence des littératures du Nord, a fait déborder sur son siècle. » Ne