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Un acte de l’Inquisition de Carcassonne, daté de 1308, montre également quelle était la célébrité des dessinateurs parisiens.

Mais ce n’est pas seulement le XIIIe siècle qui a vu briller l’art des illumineurs, ce ne sont pas seulement les écoles de Bologne et de Paris qui l’ont rendu célèbre. De Byzance au fond de l’Angleterre, en Europe comme en Asie, du VIe siècle au XIVe siècle, chaque pays a ses calligraphes et ses miniaturistes. On pourra désormais suivre à travers les siècles les phases de l’art de l’ornementation des manuscrits. Un amateur passionné pour ces merveilles a eu l’idée de rassembler les plus belles pages, les plus étincelantes arabesques, les plus splendides encadremens des manuscrits célèbres et d’en composer un livre[1] qui pût retracer aux yeux les modèles un peu partout dispersés.

A cet art modeste et charmant, que ne dédaignèrent point des peintres comme Léonard de Vinci, Michel-Ange, Raphaël, succédèrent la gravure sur bois, la gravure à l’eau-forte, au pointillé, au lavis, tous ces ingénieux procédés de reproduction, si perfectionnés de nos jours, et que le génie du XIXe siècle a mis au service de la science.

C’est à ces illuminateurs sans pareils, comme on les appelait, de notre magnifique moyen âge qui ont couvert de miniatures exquises les vieilles chroniques de nos pères, nos héroïques chansons de gestes, et surtout les premiers livres de piété depuis la Bible de Théodulfe et l’Évangéliaire de Charlemagne jusqu’au Missel d’Anne de Bretagne, depuis la Bible de Charles le Chauve et le Sacrementaire d’Autun jusqu’au Bréviaire du cardinal Grimani, que se rattachent nos modernes illustrateurs ; c’est à leur école qu’ils se sont formés. Après avoir opposé une résistance courageuse aux envahisseurs de l’industrie mécanique, nos peintres et nos graveurs contemporains les plus anciens ont mis tout leur talent à les perfectionner. On jugera encore mieux des résultats qu’ils ont obtenus en Usant l’ouvrage de M. Emile Bayard, écrit par le fils d’un de nos dessinateurs les plus originaux, les plus féconds, les plus appréciés : l’Illustration et les Illustrateurs[2] et consacré à montrer ou à faire revivre tous ces dessinateurs ingénieux, curieux chercheurs, à l’imagination brillante, au crayon intarissable, dont quelques-uns se sont fait de grands noms dans d’autres branches de l’art, et qui nous ont charmés par leur beau talent.

Ne quittons pas l’école des peintres miniaturistes et graveurs sans

  1. L’Ornementation, des Origines au XVIIIe siècle, par M. Ernest Guillot, 1 album oblong avec, planches en couleurs ; H. Laurens.
  2. L’Illustration et les Illustrateurs, par É. Bayard, 1 vol. in-8o illustré ; Ch. Delagrave.