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contre l’ordre social, se piquent de remonter à la source et signalent, sans ambages, les injustices commises et maintenues, au détriment des futurs criminels, par les bénéficiaires mêmes de cet ordre social. « L’abrutissement des classes laborieuses, proclame M. Ruiz, vient de ce qu’elles ne peuvent aspirer à se relever, par leurs propres forces et par un travail rémunérateur, de la misère qui les opprime : de là la facilité avec laquelle se développent, parmi elles, les tendances criminelles ; de là la lutte antijuridique pour se soustraire à ce qu’on appelle l’injustice du sort et à ce qui est, plutôt, l’injustice des hommes. » Et que dans les Calabres, fraîchement initiées aux splendeurs et aux revers de la civilisation moderne, ces cris d’alarme soient jugés nécessaires et immédiatement poussés, c’est là, tout à la fois, un symptôme terrible et une heureuse fortune. Les causes de souffrance abondent dans ces régions, on peut même dire qu’elles s’accroissent. Mais n’est-ce point un gage de sécurité, et d’une sécurité véridique et loyale, n’est-ce point, dans toute la force du terme, un bienfait, que les revendications de la justice sociale y trouvent pour avocats les représentans attitrés de la justice tout court ?


GEORGE GOYAU.