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vive, violente même, contre le ministère. Il en est presque toujours ainsi à ce moment de l’année. Les probabilités sont pour la victoire du gouvernement. Tout le monde y compte ; tout le monde s’arrange en conséquence. Si la Chambre n’est pas encore morte, elle se sent à l’agonie. Personne ne songe plus à elle, et elle-même s’abandonne. On ne parle déjà plus que des élections.

En Autriche et en Hongrie, la fin de la session a été aussi mauvaise que possible. Il a fallu, comme on le sait, suspendre le Reichsrath autrichien, et prendre le parti de proroger le compromis par décret. Il en sera sans doute de même en Hongrie, ce qu’on n’aurait pas cru il y a quelques jours encore, et ce qui paraît plus difficile à expliquer. La Hongrie, en effet, retrouvera difficilement dans la suite de son histoire trente années comparables aux dernières qu’elle vient de traverser. Elle a tout intérêt au maintien du statu quo. Si elle contribue, elle aussi, à le compromettre, ce sera la première grande faute politique qu’elle aura commise depuis longtemps.

En Italie, la situation est beaucoup moins grave assurément ; toutefois, elle n’est pas bonne. Le ministère seul est en cause ; mais ce ministère, avec M. di Rudini à la présidence du Conseil et M. Visconti-Venosta aux affaires étrangères, inspirait confiance à l’Europe qui souhaitait son maintien et avait pris l’habitude d’y croire. Comment, aujourd’hui, ne pas éprouver quelque doute à ce sujet ? Le ministère, au lieu de sortir consolidé de la crise récente qu’il a traversée, en est sorti affaibli. L’adjonction de M. Zanardelli ne lui a pas apporté le surcroît de force sur lequel on comptait. Cela vient de ce que M. di Rudini, obéissant à des considérations d’ailleurs très respectables, a usé d’éclectisme, et qu’il n’a fait nettement ni une combinaison de droite, ni une combinaison de gauche.

Le désir très naturel qu’il avait de conserver M. Visconti-Venosta l’a empêché d’aller trop à gauche ; mais, en même temps, il a sacrifié M. Prinetti, et il a mécontenté une partie de la droite. Il a pris M. Zanardelli ; il l’a décidé, non sans peine, à lui donner son concours ; mais il a exclu ses amis, et il a mécontenté une partie de la gauche. Ni M. Giolitti, ni M. Cavallotti, ni M. Sonnino, ne le lui ont pardonné. Pour dire la vérité, le ministère di Rudini a déjà duré longtemps et, autour de lui, les ambitions et les impatiences sont devenues de plus en plus actives. Lorsque, après la démission du général Pelloux, qui a entraîné celle du cabinet lui-même, on a appris qu’il allait être reconstitué et remanié, beaucoup de gens ont espéré en être, et il y a eu d’autant plus de déceptions que M. di Rudini s’est appliqué à garder la plupart