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Dans les positions qu’elles occupaient, il fallait deux grandes journées de marche à chacune des deux armées pour se concentrer sur leur ligne de contact et le double de temps pour se concentrer sur l’aile droite anglaise ou sur l’aile gauche prussienne, Cette excessive extension des cantonnemens, si périlleuse en face d’un adversaire comme Napoléon et si favorable au succès du plan hardi qu’il avait conçu, a été critiquée par presque tous les écrivains militaires. Wellington et les apologistes de Blücher ont cherché à justifier ces dispositions par les difficultés de faire vivre les troupes et par la nécessité de se garder sur tous les points. Le vrai, c’est que tout en admettant l’hypothèse d’une attaque de Napoléon et bien qu’ils se fussent même concertés pour y parer éventuellement, les alliés la croyaient plus qu’improbable. Le 15 juin, à l’heure où l’Empereur avait déjà le pied sur le territoire belge, Wellington exposait tranquillement, dans une longue lettre au tsar, comment il comptait prendre l’offensive à la fin du mois. Il pensait comme Blücher, qui quelques jours auparavant avait écrit à sa femme : « Nous entrerons bientôt en France. Nous pourrions bien rester ici encore une année, car Bonaparte ne nous attaquera pas. »


V

Le 15 juin à 3 heures et demie du matin, les avant-gardes françaises passèrent la frontière à Leers, à Cour-sur-Heure et à Thy. D’après l’ordre de mouvement expédié du quartier impérial, dans la soirée de la veille, l’année marchait sur Charleroi en trois colonnes principales : la colonne de gauche (corps de Reille et corps d’Erlon par Thuin et Marchienne) ; la colonne centrale (corps de Vandamme, corps de Lobau, garde impériale et réserve de cavalerie de Grouchy) par Ham-sur-Heure, Jamioul et Marcinelle ; la colonne de droite (corps de Gérard) par la route de Philippeville. L’Empereur avait tout combiné au point de vue proégetique pour faire l’écoulement rapide de cette masse d’hommes et pour éviter aux troupes l’énervante fatigue du piétinement sur place ; il avait tout disposé au point de vue tactique pour faciliter en cas de résistance sérieuse de l’ennemi le prompt déploiement et l’aide mutuelle des diverses colonnes. La levée