Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 145.djvu/416

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

méthode positive, qui atteint avec elle le faite de la hiérarchie des sciences, et un point de départ pour la philosophie positive, qui domine cette hiérarchie. Dorénavant, les rapports des sciences entre elles, laissés jusqu’ici à l’arbitraire des savans, seront réglés du point de vue de l’ensemble. A l’intérieur même de chaque science, la recherche scientifique sera soumise à une exacte discipline, qui écartera les problèmes « oiseux. » Les rapports des sciences avec les arts correspondans seront établis rationnellement. Enfin le problème moral et le problème religieux seront résolus par cette philosophie. « Par la fondation de la sociologie, dit A. Comte au commencement du Cours de philosophie positive, la philosophie positive acquerra le caractère d’universalité qui lui manque encore, et deviendra par-là capable de se substituer à la philosophie théologique et métaphysique, dont cette universalité est aujourd’hui la seule propriété réelle. » Et à la fin du Cours, il conclut : « La création de la sociologie vient aujourd’hui constituer l’unité fondamentale dans le système entier de la philosophie moderne. »

Pourquoi n’est-elle pas venue plus tôt ? La sociologie elle-même l’explique. Il fallait, pour qu’elle apparût, que la Révolution française eût jeté sa lumière sur la philosophie de l’histoire ; il fallait que la biologie eût fait des progrès décisifs. Si haut que Comte place son propre génie, il reconnaît qu’il n’aurait pas fondé la sociologie, si la date de sa naissance ne l’avait placé juste après Gall et Cabanis, et après Condorcet et de Maistre. Mais il n’en regarde pas moins sa découverte de la sociologie comme un événement capital dans l’histoire de l’esprit humain. Car, la sociologie une fois l’ondée, la philosophie positive est établie en même temps. Une « foi démontrée » va se substituer à la « foi révélée. »


IV

La sociologie, en sa qualité de science positive, devrait, comme les autres, partir de l’observation et de l’analyse des faits, établir des lois, et permettre la prévision des phénomènes futurs, dans la mesure où l’extraordinaire complication des faits sociaux le comporte. Elle devrait rendre, de plus, l’action de l’homme d’Etat aussi rationnelle et aussi efficace que celle de l’ingénieur et du chirurgien. Ce programme a-t-il été rempli par la doctrine de Comte ?