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compté moins de soixante. A la vérité, c’est un genre de productions qui ne donne pas en général grand’peine à composer. On emprunte à des ouvrages de seconde main des récits qu’on abrège, et qu’on fait suivre de quelques réflexions banales, en les entremêlant d’anecdotes connues d’une authenticité plus ou moins certaine. Mais tel n’est point, M. Jules Simon l’a fait justement remarquer, le caractère des livres élémentaires qui portaient le nom alors peu connu de M, Duruy : il n’en est aucun où l’on ne trouve la trace d’un travail et d’une pensée personnels. C’est un choix de faits puisés aux meilleures sources (même les plus récemment découvertes) par une érudition qui se cache. Les considérations qui les accompagnent sont, dans leur concision, marquées d’un coin d’originalité. On ne s’étonne pas que, pour étendre ses recherches à tant de sujets à la fois, puis pour tenir au courant de tous les progrès de la science les éditions nouvelles qui se succédaient rapidement, ce ne fût pas trop de quatorze heures par jour de ce travail acharné que M. Duruy définissait si bien quand il disait de lui-même : Je suis un bœuf de labour. Une comparaison permet d’apprécier tout ce que chacun de ces volumes in-douze représente d’étude et de réflexion. Tout le monde connaît (et il faudra bien en reparler tout à l’heure) la grande, la capitale Histoire des Romains qui a marqué le point culminant du talent de M, Duruy et de sa réputation. Mettez ce vaste travail en regard d’un court précis publié près de trente ans auparavant par le même auteur, à peu près sous le même titre, et malgré la disproportion des deux livres, vous serez étonné de la ressemblance ; non seulement les narrations s’accordent, mais les jugemens sont pareils, différant seulement par l’étendue des développemens qui les justifient. Évidemment, l’œuvre définitive était déjà contenue en germe dans la première, qui a l’air de n’en être que le résumé et la concentration faite après coup.

De longues années s’écoulèrent cependant, sans que ces publications, malgré leur nombre et la juste estime de tous ceux qui étaient en mesure de les apprécier, eussent répandu la réputation de M. Duruy en dehors du cercle limité du public des écoles. Quelques ouvrages plus étendus, un essai d’histoire grecque qu’il a depuis largement remanié, les premiers livres de l’Histoire des Romains dont il a fait également plus tard une refonte à peu près complète, attirèrent plus d’attention. Cependant, en couronnant l’un de ces deux ouvrages au nom de l’Académie