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CHEZ LES VERRIERS


I


Septembre 1897.

La Verrerie ouvrière a beaucoup fait parler d’elle, et certaines révolutions ont même fait moins de bruit. Il y avait là, d’ailleurs, un essai nouveau, une tentative qui méritait assurément la sympathie, — car toute entreprise de délivrance et d’affranchissement la mérite, — et j’y suis allé, cet été, faire une visite.

La grève de Carmaux, comme grève, n’avait pas été très longue. Commencée, exactement, le 29 juillet 1895, elle finissait exactement le 15 octobre. La durée n’en avait donc pas été exceptionnelle, mais ses suites et son premier motif en avaient fait l’importance... Un nommé Baudot, verrier à Sainte-Clotilde, chez M. Rességuier, prenait un jour un congé sans permission, et M. Rességuier le renvoyait. Le Syndical réclamait la réintégration de son syndiqué, mais M. Rességuier refusait. « Ou la reprise de Baudot, ou la grève ! » répondait encore le Syndicat. M. Rességuier refusait de nouveau. Les verriers, alors, s’ameutaient, couvraient les murs de placards indignés : Rességuier l’affameur... Infamie patronale... Ou Baudot, ou la grève !... M. Rességuier, pour toute réponse, sommait les grévistes de se remettre au travail, leur fixait un délai, éteignait les fours ce délai passé, et ripostait ainsi, à la grève ouvrière, par la grève directoriale... Trois mois plus tard, la population verrière de Carmaux se trouvait coupée en deux. Une partie, celle qui s’était soumise, rentrait chez M. Rességuier, et l’autre, très surexcitée, se préparait à fonder une usine adverse, l’usine « sans patron », en concurrence avec l’usine « patronale ». La « Verrerie aux verriers », la future « Verrerie ouvrière » commençait ainsi à poindre,