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J’ai rencontré dans mes courses quelques anciennes connaissances de la division active ; nous nous sommes rappelé, avec bien du plaisir, de vieux souvenirs et le temps passé sous votre commandement. On assure que le 26e rentrera en France dans quelques mois et qu’il doit tenir garnison à Perpignan. J’en suis content, car ce régiment est le mieux tenu de tous ceux qui sont aujourd’hui en Afrique.

Veuillez, mon général, me pardonner le long retard que j’ai mis à vous écrire et surtout ne pas l’attribuer à l’indifférence. Je me souviendrai toute ma vie que c’est à vous que je dois mes premiers grades et mes bons débuts dans la carrière militaire ; je désirerai toujours sincèrement avoir l’honneur de servir de nouveau sous vos ordres.

Je suis avec respect et reconnaissance, mon général, etc.


Le colonel Walsin d’Esterhazy au général de Castellane.


Oran, 22 juillet 1842.

Mon général,

Rentré à Oran après une course de quelques jours qui a suivi l’expédition du Chéliff, j’y trouve la lettre que vous avez eu la bonté de m’écrire pour me féliciter sur ma nomination au grade de lieutenant-colonel. Cette nouvelle preuve de votre bienveillance m’est bien précieuse. Mon général, veuillez être bien convaincu que j’aurai toujours à cœur de justifier ce que vous me dites de si obligeant et de mériter l’intérêt que vous voulez bien me porter.

J’aurais désiré que ma nomination me rappelât en France ; outre que je suis encore souffrant d’une blessure que je reçus l’année dernière pendant mon séjour à Mascara, je ne vous cacherai pas que je suis loin d’être satisfait de tout ce que je vois en Algérie. Il me semble que l’esprit militaire, loin de se fortifier à l’armée d’Afrique, s’y altère ; les bonnes traditions se perdent ; nous devenons un peu fanfarons, et j’apprends quelquefois par les bulletins de grandes victoires auxquelles je ne me doutais pas d’avoir assisté.

En vous signalant ce mal, je vous prie, mon général, de ne pas juger trop sévèrement l’opinion que je viens d’émettre. Si je me trompe, c’est loyalement, et mon erreur ne vient pas de passions mauvaises, mais de mon désir du bien.