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L’HISTORIEN HENRI DE TREITSCHKE

Henri de Treitschke, qui était né à Dresde le 15 septembre 1834, mais qui eut toujours le cœur plus prussien que saxon, fut un chaud patriote allemand, un remarquable professeur, un orateur éloquent, un publiciste et un historien de grand mérite. Le livre qu’à l’aide de papiers de famille, de correspondances inédites, M. Théodore Schiemann a consacré à sa mémoire n’est pas une biographie complète de cet homme distingué ; c’est l’histoire très détaillée de sa jeunesse, des trente-deux premières années de sa vie[1]. Et cependant il se révèle à nous tout entier dans ce livre incomplet. L’âge mûrira son talent et son style ; ses opinions et ses doctrines seront toujours les mêmes, et l’expérience ne produira sur lui d’autre effet que de le confirmer dans les idées qui lui étaient chères bien avant qu’il eût quitté les bancs de l’école. Il n’a jamais en l’esprit inquiet ni l’amour du doute méthodique, et à peine eut-il besoin de se chercher pour se trouver. En tout temps, il fut sûr de son fait et de lui-même ; dès sa jeunesse, il professait les croyances qui seront celles de toute sa vie, et tel il était à trente ans, tel il sera, ou peu s’en faut, trente ans plus tard. Il y a des hommes condamnés à subir plus d’une métamorphose avant de donner à leur âme sa forme définitive ; il en est d’autres qui mettent leur gloire à ne pas changer. Treitschke était de la race des immuables.

Il a trouvé dans M. Schiemann un de ces panégyristes enthousiastes, un de ces admirateurs perpétuels, qui croiraient manquer de respect au soleil s’ils y découvraient une seule tache. Nous avons perdu le goût de l’antique simplicité, et en Allemagne comme en

  1. Heinrich von Treitschkes Lehr-und Wanderjahre, 1834-1866, erzahlt von Theodor Schiemann.