Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 145.djvu/722

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vérité de ce genre est sujette à re vision, mais ce qu’on a tenté pour réviser celle-ci ayant été jusqu’à ce jour inutile et impuissant, elle subsiste intégralement. Personne n’a le droit de la nier, ni même de la contester. C’est alors que M. Godefroy Cavaignac est venu lui dire que ce n’était pas assez, et qu’il pouvait d’un mot dissiper toutes les inquiétudes dont certains esprits restent, malgré tout, assiégés. Il lui a reproché, non sans quelque vivacité, de n’avoir pas prononcé ce mot magique dès le début de l’agitation qui vient d’avoir lieu, et qui, alors, ne se serait pas produite. Quel est donc ce quos ego ! dont M. Méline n’a pas voulu user, et que M. Cavaignac appelle « la parole libératrice » ? On a dit que Dreyfus, à la suite de sa dégradation, aurait fait un demi-aveu au capitaine qui l’escortait ? C’est cet aveu que M. Cavaignac a demandé au gouvernement de livrer à la publicité. Le gouvernement s’y est refusé, et il a eu raison. Une procédure secrète doit rester secrète, et, s’il dépendait du ministère d’en publier telle ou telle partie, suivant les exigences successives d’une opinion plus ou moins égarée, on pressent tout de suite où cela pourrait conduire. Le premier inconvénient d’une révélation de ce genre serait d’affaiblir l’autorité de la chose jugée, puisqu’elle paraîtrait ne plus se suffire à elle-même, et avoir besoin d’être confirmée. Il est d’ailleurs fort douteux, comme l’a laissé entendre M. le président du Conseil, que la conversation du capitaine Lebrun-Renaud avec l’ex-capitaine Dreyfus portât dans tous les esprits, si elle venait à être connue, la lumière pleine et entière que M. Cavaignac recherche pour les autres, car lui-même est pleinement convaincu. M. Goblet est allé encore plus loin. Il aurait voulu que M. Méline se fit apporter le dossier Dreyfus, l’étudiât avec soin et vînt exposer à la Chambre le résultat de cette enquête toute personnelle, qui ne manquerait pas de satisfaire les esprits les plus rebelles. M. Méline a reculé épouvanté devant une marque de confiance aussi écrasante, de la part d’un des hommes qui lui en témoignent généralement le moins. Il s’est refusé à jouer à lui tout seul le rôle qui pourrait appartenir éventuellement à la Cour de cassation. On voit combien il est plus modeste que M. Zola. Alors est venu M. Jaurès qui, lui, aurait tout simplement voulu savoir du gouvernement si toutes les règles de la procédure ont été observées dans le procès Dreyfus. On a prétendu le contraire, et, pour parler franchement, il y a là un point qui reste enveloppé d’une ombre fâcheuse et pénible ; mais ce n’est pas au gouvernement qu’il appartient de répondre aux questions que chacun peut se poser sur la forme, aussi bien que sur le fond du procès. Il a dit à maintes reprises que tout s’était passé légalement,