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20 et 22 septembre. Le 19, nous avions traversé un défilé difficile pour entrer dans les Flittas ; une partie du pays est très accidentée et couverte d’un taillis de lentisques et de chênes verts extrêmement touffus ; vous comprenez combien grandes sont les difficultés quand chaque buisson vous cache un homme embusqué ; l’autre partie du pays, formée de hauts plateaux, n’a point un seul arbre. La partie boisée est habitée par des Kabyles de la plus dure espèce, l’autre remplie de cavaliers.

Le défilé du Tifour fut vivement disputé ; on le passa pourtant sans trop de pertes et nous fûmes conduits de buisson en buisson jusqu’au camp. Cette journée fut remarquable par une charge commandée par M. Paulze d’Yvoi. Le fourrier Parisot a son cheval tué ; le nommé Geffine, du 4e escadron, le dégage et, voyant un drapeau, court au porte-étendard, le tue, prend le drapeau et reçoit sept blessures : deux coups de feu et cinq coups de yatagan ; il tombe épuisé en serrant contre lui le drapeau qu’il vient de prendre et, tombant, il s’écrie : « Il est à moi ! »

Le 20, le général, avec deux bataillons et soixante chevaux, va au-devant d’une petite colonne venant du Khamis, la tire d’embarras et revient à Bes Atia. Les 19 et 20, les turcos font l’arrière-garde et se conduisent admirablement ; ils ont vingt-cinq blessés, un homme tué. La révolte gagne tout le pays des Flittas ; Bou-Maza, que l’on disait pris, est à leur tête. Nous n’avons pas assez de vivres et de munitions ; il faut de plus combiner les mouvemens avec les autres colonnes. On se décide à aller s’établir à l’entrée du pays des Flittas.

Le 21, séjour.

Le 22, on se mit en route, en reprenant le même chemin ; les chasseurs d’Orléans étaient d’arrière-garde, mon escadron en était aussi. Nous fûmes d’abord peu inquiétés ; puis, à la fin, nous fûmes attaqués sur tous les flancs de la colonne par environ un millier de cavaliers et quinze cents à deux mille fantassins ; tous les bois et broussailles en étaient blancs. Nous fîmes une première charge le matin, conduits par le lieutenant-colonel. Un peloton du 5e escadron se trouva vivement engagé un instant et perdit quatre chevaux. Après deux heures environ de marche, nous arrivâmes à l’entrée d’un petit bois de cinq cents mètres ; c’était une ramée très fourrée, traversée par un chemin creux très étroit. Toute la colonne l’avait déjà traversée et se montrait de l’autre côté, lorsque l’arrière-garde replia ses tirailleurs pour entrer dans le chemin, les