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il les ferait voler en éclats aussitôt que le sang se serait refait dans ses veines. Il constitua beaucoup d’autorité dans son gouvernement, il n’y mit pas du despotisme.

Dès qu’il existe des députés élus, n’importe comment, même à prix d’argent comme en Angleterre, même délibérant à huis clos, dans une cave, comme cela fut longtemps aussi en Angleterre, dès que ces députés ont le plein pouvoir de refuser les subsides sans lesquels aucune guerre, aucune dépense quelconque ne peut être entreprise, dès que la véritable liberté, — la liberté sociale, civile, individuelle, — n’est pas atteinte, la nation n’est pas en servitude, elle est maîtresse de ses destinées, il n’y a pas de despotisme. République autoritaire (puisque le barbarisme est consacré), tel est le véritable nom du gouvernement institué par le prince Louis-Napoléon après le coup d’Etat.


V

Enfin, la session des deux Chambres s’ouvrit le 29 mars. Les élections avaient été fort calmes ; presque partout, les candidats officiels l’avaient emporté sans lutte. Néanmoins, même à ce premier moment, commença la résistance aux candidatures officielles. Dans un certain nombre de grandes villes et dans toutes les circonscriptions de Paris, les opposans obtinrent des minorités importantes ; à Lyon, Hénon, à Paris, Cavaignac et Carnot furent élus. Quoique le mot d’ordre envoyé par le comte de Chambord eût été de s’abstenir, quelques légitimistes, Audren de Kerdrel, Durfort de Civrac, Bouhier de Lescluse battirent, dans l’Ouest, les candidats officiels. Parmi ces derniers, on comptait des indépendans qui ne tarderaient guère à donner de l’embarras : Montalembert, Flavigny, Ancel, Chasseloup-Laubat, etc.

Le Président ne se rendit pas à la Chambre, selon l’usage parlementaire ; il convoqua les députés et les sénateurs chez lui, dans la salle des maréchaux. Il dit : « Depuis trop longtemps, la société ressemblait à une pyramide qu’on aurait retournée et voulu faire reposer sur son sommet ; je l’ai replacée sur sa base. » Il analyse sa constitution, la rattachant à celle de son oncle, quoiqu’en réalité elle se rapprochât beaucoup plus du système des États-Unis que de celui de l’an VIII. Il expliqua ses intentions d’avenir :

« Résolu aujourd’hui, comme avant, de faire tout pour la France, rien pour moi, je n’accepterais de modifications à l’état