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Un second facteur essentiel du développement économique, qui a fait sentir son influence également sur la banque, le commerce et l’industrie, est l’unité politique : quoique encore loin d’être parfaite, elle n’en a pas moins amené un état entièrement différent du passé. Avant 1866, le Zollverein (union douanière) avait bien créé une communauté d’intérêts entre les divers royaumes et principautés qui composaient la Confédération germanique ; mais la diversité des législations intérieures faisait que les habitans d’un État ne se sentaient pas protégés en dehors de leurs frontières et ne se hasardaient pas souvent à étendre leur activité au delà d’un domaine restreint. Le Norddeutscher Bund (Confédération de l’Allemagne du Nord), fondé en 1867 à la suite des victoires de la Prusse sur l’Autriche, fut un premier pas dans la voie de l’unification. Mais l’étape décisive fut la guerre de 1870 et la proclamation de l’Empire allemand en 1871. L’unité monétaire, la quasi-unité postale, l’unité presque réalisée pratiquement de l’émission fiduciaire, le commencement de législation commune sur bien des points, la complète liberté de circulation assurée à chacun, déterminèrent une sorte de réveil violent du pays tout entier. Les triomphes militaires lui donnèrent une confiance en lui-même qui lui manquait auparavant. Les hommes d’initiative qui se lancèrent alors dans la lutte pacifique, où ils allaient remporter d’éclatans succès, trouvaient une population sobre, sérieuse, instruite à l’école primaire, disciplinée par le passage dans l’armée, économe, habituée de longue date à vivre frugalement et qui constituait, en dépit de l’agitation socialiste, un instrument de travail puissant. Les villes se développèrent dans une mesure dont quelques chiffres donneront une idée. Berlin renferme aujourd’hui ! 677 000 habitans ; Hambourg, 625 000 ; Munich, 407 000 ; Leipzig, 400 000 ; Breslau, 373 000 ; Dresde, 336 000 ; Cologne, 321 000. Ensuite viennent trois villes ayant plus de 200 000 habitans : Francfort-sur-le-Mein, Magdebourg et Hanovre ; cinq en ayant de 150 à 200 000 ; treize en ayant de 100 à 150 000 ; vingt-sept en ayant de 50 à 100 000 ; 47, de 30 à 50 000. En résumé, l’Allemagne compte 102 villes de plus de 30 000 habitans.

M. de Bismarck, sans le vouloir peut-être ou du moins sans mesurer toutes les conséquences sociales de cette transformation, a contribué à son heure au développement de l’industrie allemande en la protégeant par des droits élevés, dont elle souffrira plus tard, mais qui lui ont donné d’abord un élan considérable. Le