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physiologie ou de l’embryogénie. « Il n’y a ici ni philosophie ni religion qui tienne, disait un jour Pasteur, dans une leçon célèbre, qui devait faire date dans l’histoire de la science[1]. C’est une question de fait que j’aborde sans idées préconçues, aussi prêt à déclarer qu’il y a des générations spontanées, si l’expérience m’en avait imposé l’aveu, que je suis convaincu que ceux qui les affirment ont un bandeau sur les yeux. » Et si, par hasard, on croyait apercevoir, je ne dis pas une opposition, — il y a toujours des oppositions, des difficultés, des embarras, — mais une contradiction entre la doctrine évolutive et le dogme, je suis de ceux qui répéteraient avec un autre grand homme : « Quand nous nous mettons à raisonner, nous devons poser d’abord comme indubitable que nous pouvons connaître certainement beaucoup de choses dont toutefois nous n’entendons pas toutes les dépendances ni toutes les suites... Il ne faut donc jamais abandonner les vérités une fois connues, quelque difficulté qui survienne quand on veut les concilier, mais il faut au contraire, pour ainsi parler, tenir toujours fortement comme les deux bouts de la chaîne, quoiqu’on ne voie pas toujours le milieu, par où l’enchaînement se continue[2]. » Mais puisque aujourd’hui quelques écrivains, d’esprit plus large, et mieux informés que d’autres, ont trouvé le moyen, dans cette question de l’évolution, de concilier les résultats de la science avec les données de leur foi, j’ai pensé qu’en tout cas il était bon de le constater. La doctrine évolutive ne contient rien qui ne se puisse concilier avec les enseignemens de l’Église ; et, puisque le Père Zahm l’a démontré dans son livre, je ne pouvais négliger l’aide qu’il m’apportait du fond de la Louisiane.

On nous réplique là-dessus : « Eh bien, soit, nous l’admettons ; la conciliation peut se faire ; elle est faite ; mais la doctrine évolutive, comme vous l’appelez, n’en demeure pas moins une pure hypothèse, une vue de l’esprit, une anticipation de l’imagination sur l’expérience. Vous nous parliez tout à l’heure de générations spontanées ! En fait, ce Pasteur que vous invoquiez l’a démontré dans une série d’expériences à jamais mémorables, il n’y a pas de générations spontanées. Il n’y a pas non plus de sélection naturelle, et Darwin après tout n’a inventé là qu’un mot pour

  1. Cette leçon, qui est de 1864, a été reproduite en partie dans un petit livre d’utile vulgarisation : Pasteur et ses élèves, par J.-T. Boutet : Garnier frères, 1898, Paris.
  2. Bossuet, Traité du Libre arbitre.