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polders, de quoi fixer tous les penchans ? Il y a des choses faites pour les délicats et aussi pour les grossiers, pour les mélancoliques, pour les ardens, pour ceux qui aiment à rire, pour ceux qui aiment à rêver... Ajoutez-y les villes et l’extérieur des villes, l’existence dans la maison et hors de la maison, les kermesses, les mœurs crapuleuses, les bonnes mœurs et les élégances... et d’un autre côté la sécurité dans le ménage, les bienfaits du travail, l’abondance dans les champs fertiles... Ajoutez enfin la vie publique, les cérémonies civiques, les banquets civiques, et vous aurez les élémens d’un art tout neuf avec des sujets aussi vieux que le monde. » Mais il résultera de là, dirons-nous à notre tour, que toute histoire de la peinture hollandaise ne pourra s’écrire que de ce point de vue. Au caractère essentiel ainsi reconnu par la critique, tous les autres devront se « subordonner ». C’est par rapport à lui que se fera la division des « âges » ou des « époques ». C’est son évolution qui nous servira comme de guide à travers la chronologie. Aussi longtemps que nous n’aurons pas vu tout ce qui la précède s’acheminer ou tendre de soi-même à la plus éclatante manifestation de ce caractère, comme aussi longtemps que nous n’aurons pas trouvé le secret de montrer dans l’affaiblissement de ce même caractère la raison de sa décadence, nous pourrons être assurés de n’avoir pas compris l’histoire de la peinture hollandaise. Son évolution, c’est son histoire, et elle n’a d’histoire que celle de son évolution.

Ce sont alors les grandes lignes de cette évolution qui déterminent le choix des écrivains ou des artistes que l’histoire doit seuls retenir, et pour les retenir, commencer par les dégager de la foule de ceux qui encombrent les catalogues, les dictionnaires et les Manuels. Il s’agit en effet de jalonner une route, et non pas d’en décrire les moindres accidens. Ou encore, c’est comme si l’on disait que ce sont les « œuvres » qui importent, et non pas les « individus », leur histoire, celle de leurs amours, celle de leurs aventures, mais les « œuvres » significatives, et, en chaque « genre », celles qui ont marqué les étapes de ce genre vers sa perfection. Par exemple, on s’est plaint que, dans ce Manuel auquel j’ai fait tout à l’heure allusion, je n’eusse nommé qu’au passage ou à la volée l’auteur de Saint-Genest et de Venceslas, ce Rotrou que Corneille appelait modestement son « père », et dont j’ai pensé quelquefois que le nom même aurait péri, si son dévouement-de magistrat à ses devoirs civiques ne l’avait sauvé