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qui avaient introduit des machines agricoles, et substitué au vieil assolement triennal russe un autre système plus avancé, comportant la culture des fourrages. De pareils exemples ne peuvent manquer d’être, à la longue, salutaires pour les paysans. En Sibérie, il n’y a pas place aujourd’hui pour cette éducation par l’exemple, et on ne pouvait rien espérer en ce sens tant que l’ouverture du pays n’était pas faite et la mise en valeur de ses ressources rendue possible par l’établissement de bonnes voies de communication. Mais au début du siècle prochain, c’est-à-dire dans bien peu d’années, on sera en quelques jours de Saint-Pétersbourg au cœur de la Sibérie. L’établissement de grandes exploitations de toute sorte sera alors possible, et l’effet moral et social en sera aussi grand et aussi salutaire que l’effet économique. En ne nous plaçant encore en ce moment qu’au point de vue intérieur, il semble qu’un des plus grands bienfaits du Transsibérien pour l’Empire russe tout entier sera de le rapprocher moralement de l’Europe, tout en le rapprochant matériellement de l’Asie, — de le faire sortir de son isolement : la Russie, devenue la grande route de l’Occident vers l’Extrême-Orient, devra être pénétrée davantage par les idées des hommes qui la traverseront ; elle ne saurait plus être le même pays que lorsqu’elle était une marche de l’Europe, un pays frontière en dehors des grandes voies de l’humanité.


PIERRE LEROY-BEAULIEU.