Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 147.djvu/203

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vie par sa propriété la plus constante, la nutrition, c’est-à-dire par l’existence de ce courant de matière que l’organisme puise au dehors par l’alimentation, qu’il y rejette par l’excrétion, et dont l’interruption même momentanée, si elle était d’ailleurs complète, serait le signal de la mort. — Le circulus d’énergie est la contrepartie exacte du circulus de matière.

La seconde vérité qu’enseigne la Physiologie générale et qu’elle a tirée de l’expérience, peut s’énoncer ainsi : « L’entretien de la vie ne consomme aucune énergie qui lui soit propre ; elle emprunte au monde extérieur, toute celle qu’elle met en œuvre, et elle la lui emprunte sous forme d’énergie chimique potentielle. » — Telle est la traduction, dans la langue de l’énergétique, des résultats acquis en physiologie animale depuis cinquante ans. Il n’est pas besoin de commentaires pour faire saisir l’importance d’un tel principe ; il révèle l’origine première de l’activité animale ; il découvre la source d’où procède cette énergie qui à un moment de ses transformations sera l’énergie vitale.

Le primum movens de l’activité vitale est donc, d’après ce principe, l’énergie chimique emmagasinée dans les principes immédiats de l’organisme.

Pour essayer d’en suivre le mouvement, il est nécessaire de préciser. Imaginons, dans ce dessein, que notre attention se porte sur une partie déterminée et limitée de cet organisme, sur un certain tissu. Saisissons-le, dans le cours ininterrompu de sa vie à un moment donné, et faisons partir de cet instant conventionnel, l’examen de son fonctionnement. Le premier effet de ce fonctionnement sera de libérer une portion de l’énergie potentielle que recèlent les matériaux mis en réserve dans le tissu. Cette énergie dégagée fournira à l’action vitale les moyens de se continuer. Il y a donc au début du processus fonctionnel, par un effet nécessaire de ce processus même, une libération d’énergie chimique, ce qui ne peut se faire que par une décomposition des principes immédiats du tissu, ou, suivant l’expression consacrée, par une destruction du matériel organique. Cl. Bernard avait beaucoup insisté sur cette considération que le fonctionnement vital s’accompagnait d’une destruction du matériel organique. « Quand le mouvement se produit, qu’un muscle se contracte, quand la volonté et la sensibilité se manifestent, quand la pensée s’exerce, quand la glande sécrète, la substance des muscles, des nerfs, du cerveau, du tissu glandulaire se désorganise, se détruit, et se