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hébreu, et Homais, qui n’était qu’une bête, n’en ont pas encore triomphé. Pas de curés politiques, d’accord ! mais pas de pontifes laïques, et surtout pas de « lois intangibles ».

On croit rêver quand on entend parler aujourd’hui de « lois intangibles » ! et nous insisterions, si l’opinion n’était faite sur ce point. On sait assez que, s’il ne peut quelque part y avoir de lois intangibles, d’objets tabou, c’est dans une République ; et, quand on les mettrait sous l’invocation d’autres fétiches encore que les Gambetta et les Ferry, on n’y touchera pas pour le plaisir d’y toucher, mais on les modifiera quand les circonstances l’exigeront et que le temps en sera venu. Il n’est pas éloigné si, de tous côtés, et depuis déjà longtemps, des plaintes s’élèvent sur les « résultats » de l’école neutre ou laïque, et si ces plaintes, comme tout porte à le croire, iront sans cesse en s’aggravant[1]. Non seulement l’école neutre n’a pas donné ce qu’on en attendait, mais elle a donné le contraire. C’est peut-être que la morale de la libre concurrence, admirable pour contribuer au développement de l’égoïsme, — et aussi, disons-le en passant, à l’accroissement de l’inégalité des conditions, — est inefficace pour assurer cette substitution des motifs sociaux aux mobiles individuels, qui est le premier objet de l’éducation. Si donc des parens veulent procurer à leurs enfans le bienfait de cette éducation, on comprendra qu’il est inique de le leur interdire parce qu’ils n’auront pas les moyens d’opposer un autre instituteur à celui du gouvernement. Et on n’en sera pas pour cela moins bon républicain, ni même plus « clérical » ! On ne nourrira pas la perfide intention, comme on le dit dans mon quartier, « d’entrer dans la République pour l’empêcher de porter ses fruits ». On aura seulement secoué le joug de quelques sectaires, dont il est inouï que l’on ait si longtemps supporté l’étroite, la tracassière, et la tyrannique domination.

C’est alors qu’on pourra discuter utilement les questions sociales, lesquelles ne sont pas sans doute des questions purement économiques, ni même politiques, mais aussi des questions morales, et pourquoi pas des questions religieuses ? Un journaliste croyait faire dernièrement merveilles en dénonçant ce qu’il appelait « les affinités de l’Église catholique » avec le socialisme ; et, comme il était savant, il citait à l’appui de son dire je ne sais quels textes de saint Ambroise ou de saint Jean Chrysostome. Il n’avait pas besoin de remonter si haut, et il

  1. Voyez dans la Revue du 15 janvier 1897 l’article de M. Alfred Fouillée sur les Jeunes criminels, l’École et la Presse.