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vous le demandiez vous-même ; il suivra, en sens inverse, le chemin intellectuel que nous venons de faire ensemble ; il repartira de la matière nouvelle pour remonter à l’antique symbole ; il apprendra, devant des nécessités nouvelles, un nouveau métier, et retrouvant ainsi les lois appropriées à des conditions tout autres, il fera à nouveau de l’art, et conséquemment un art nouveau… C’est dire que nous sommes sans doute à une époque de transition, et je l’accorde volontiers, et que cela nous donne le temps de chercher, et l’espoir de trouver « quelque chose »[1]. Peut-être y aura-t-il encore quelque temps une chance de beauté pour l’Ecole, pour la Halle, pour le Musée, c’est-à-dire pour tout ce qui abritera des collectivités, vivantes ou mortes. Mais le triomphe de la collectivité, c’est encore l’absorption de l’individu, et le libre génie de l’art meurt de l’écrasement de l’individualité libre. Encore faudra-t-il que les conditions économiques, matérielles et sociales s’y prêtent ; que, avant tout, l’artiste personnel et grand, — l’intuitif — se trouve ou se retrouve, et qu’il agisse, comme autrefois, comme toujours, pour l’idée, par la forme, et dans le consentement du peuple. Alors, sera possible, peut-être, une réaction suprême, contre l’envahissement de la fausse science, de l’utilitarisme-souverain et de la laideur publique. Mais encore sera-t-elle durable ? Et surtout sera-t-elle logique ? Y aura-t-il une conciliation possible entre les conditions démesure, de grâce et de force, raison triple de vérité et de vie en toute sincère architecture, et les besoins sommaires, rapides et laids de l’avenir ? Y a-t-il — si on laisse au mot de beauté le sens que lui a donné une longue suite de traditions — y a-t-il une possible beauté à l’usine, considérée comme la maison légitime de la science, le temple nécessaire de la Vierge future ?

Je pose la question, et n’ose la résoudre, quelque tentation

  1. Il serait intéressant d’examiner dans quelle mesure serviront de types, pour l’avenir, des constructions récentes comme, par exemple le palais des Beaux-Arts et des Arts Libéraux de Formigé, au Champ-de-Mars, déjà disparus par grand malheur, sous la pioche des démolisseurs, ou les magasins du Printemps, de Sédille ; quelques intéressantes — mais plus rares — maisons particulières à Paris ; ou encore le nouveau Muséum, au Jardin des Plantes, de Dutert, çà et là des écoles encore ou même des restaurant, etc., si on les considère comme les plus heureux exemplaires de ce style de transition, où on a essayé plus délibérément des emplois nouveaux du fer et du bois dans la construction, de la céramique et des mosaïques dans la décoration des façades, et en général l’application plus libre des formes de la flore à tous les principes d’ornement et le retour à l’usage des colorations à l’extérieur.