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tribunal révolutionnaire. Sous l’Empire seulement, lorsque leur frère Casimir quitta l’armée royale définitivement licenciée, les jeunes filles reprirent, avec lui, possession du château de leur père : Hyacinthe s’y maria avec M. Couppé des Essarts ; Agathe épousa le général de la Motte-Rouge. Leur nom, rendu illustre par les catastrophes auxquelles il fut mêlé, n’est plus porté aujourd’hui que par la vénérable Mlle Mathilde de la Guyomarais, leur nièce. Il est donc condamné à s’éteindre : rien ne rend plus sensible l’horrible trouée que la révolution opéra dans cette famille dont le chef comptait, avant 1792, neuf enfans vivans.

Le jardinier Perrin et le médecin Lemasson, condamnés à la déportation par la sentence du 18 juin 1793, avaient été transférés à Bicêtre pour y attendre le départ de la chaîne. Ils furent compris, le 8 messidor an II, dans une des fameuses fournées de la conspiration des prisons et moururent le jour même sur l’échafaud. Julien David revint en Bretagne et vécut jusqu’en 1840 ; les docteurs Morel et Taburet reprirent également, après leur sortie de prison, l’exercice de leur profession.

Si nous quittons la Guyomarais pour la Fosse-Ingant, nous retrouvons dans la famille Desilles des épisodes non moins tragiques. Après la crise de désespoir qui les avait terrassées à la sortie de l’audience, Mmes de Virel et d’Allerac, acquittées par le tribunal, furent, ainsi que leurs compagnons, écrouées à Sainte-Pélagie par ordre du Comité de sûreté générale. Elles y rencontrèrent Mme Roland, qu’elles avaient déjà connue à la prison de l’Abbaye. Elles voyaient clair, maintenant, dans la sombre intrigue qui avait amené leur infortune. L’absence, au banc des accusés, de Chévetel que, de tous, elles croyaient le plus compromis, son nom rayé des procès-verbaux, le mutisme absolu gardé à son égard par l’accusateur public, leur avaient enfin dessillé les yeux. Lalligand-Morillon, au reste, ne les abandonnait pas et entretenait soigneusement leur indignation contre le traître qui les avait vendues. Il était parvenu à gagner toute leur confiance et s’employait activement à obtenir leur mise en liberté sous caution : c’était une simple affaire d’argent : Chauveau-Lagarde s’était généreusement offert à garantir la rançon de ses clientes ; mais l’affaire traînait en longueur et Lalligand affirmait que, si l’on ne « graissait pas la patte » du Comité de sûreté générale, les portes de la prison ne s’ouvriraient point. Tel était l’usage, assurait-il, et, sur ce point, du moins, il ne mentait pas.