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Montorgueil par M. Lœvy, Un jeune peintre par M. Courtois, M. Sarrien par M. Gailliac, et, en sculpture, le cardinal Lavigerie, par M. F aiguière, M. le comte de Franqueville par M. Paul Dubois, et M. d’Annunzio par M. de Saint-Marceaux. Ils ne valent peut-être pas les portraits de femmes et d’enfans qu’on voyait, l’année dernière, à pareille époque, à l’Ecole des Beaux-Arts, mais ils constituent cependant la collection la plus intéressante exposée au Champ-de-Mars et forment en quelque sorte un salon, dans les Salons . Nous allons l’abstraire et le visiter. Si, chemin faisant, nous trouvons quelque question d’ensemble, nous ne l’éluderons pas. Nous regarderons dans les œuvres la trace ou l’oubli des théories qui étaient nouvelles il y a vingt ans, nous constaterons ce qu’elles sont, en pratique, devenues. Et si nous trouvons parmi ces portraits d’hommes un plâtre qui fit déjà plus parler de lui que cette fameuse statue de neige modelée par Michel-Ange pour le Médicis, nous la regarderons aussi. Nous ne prétendrons imposer sur elle, pas plus que sur tout autre objet, notre sentiment à personne, mais nous nous demanderons pourquoi, de quel droit et en vertu de quelle particulière autorité, certains critiques d’art prétendent imposer au public un sentiment qui n’est pas le sien ? lui démontrer que son impression à lui ne saurait compter, quand la leur compte ? et lui enseigner, par des raisonnemens d’une logique d’ailleurs chancelante, qu’une chose est un chef-d’œuvre quand, par tous les instincts de sa sensibilité, il voit, il saisit et il éprouve qu’elle est sans forme, sans vie et sans beauté.


I

« L’art n’a jamais fait plus que ceci : donner la ressemblance d’un noble être humain. Les meilleures peintures qui existent des grandes écoles sont des portraits ou des groupes de portraits, souvent de personnes fort simples et non de sages. Vous pouvez avoir des qualités beaucoup plus brillantes dans les tableaux d’imagination. Vous pouvez avoir des figures dispersées comme des nuages, ou unies comme des fleurs en guirlandes, de la lumière et de l’ombre comme dans une tempête, et de la couleur comme dans un arc-en-ciel, mais tout ceci n’est qu’un jeu d’enfant pour les grands artistes. Leur réelle force fut poussée à ses dernières limites quand ils peignirent simplement un homme ou une femme et l’âme qui était en eux… » Ainsi parle Ruskin dans