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Les élections n’ayant donné à personne une victoire incontestée, l’avenir reste incertain. Le seul parti qui ait sensiblement augmenté dans la Chambre est le parti boulangiste. Mais c’est lui faire beaucoup d’honneur de le qualifier de parti : il ne s’agit, en réalité, que d’un petit groupe de quelques personnes qui existait à peine dans l’ancienne Chambre et qui n’existera pas beaucoup plus dans celle-ci. Toutefois, à défaut du nombre, il possède une activité très bruyante. Dans les nomenclatures plus ou moins exactes fournies par les journaux, les nationalistes, révisionnistes et antisémites figurent au nombre de 26, groupe très faible au point de vue numérique, mais non pas négligeable au point de vue de l’action parlementaire. Il est difficile de prévoir ce que M. Drumont, élu en Algérie, apportera d’agitation dans la Chambre nouvelle ; peut-être est-il un journaliste plus qu’un orateur ; la signification de son nom n’en est pas moins éclatante, et son entrée au Palais-Bourbon est un des symptômes les plus significatifs de la situation actuelle. Si M. Drumont est un nouveau à la Chambre, MM. Déroulède, Millevoye, Paul de Cassagnac y sont des revenans. On sait par ce qu’ils ont déjà fait ce qu’ils sont capables de faire. Nous ne les confondons pas les uns avec les autres ; il y aurait au moins des nuances à fixer entre eux ; mais tout le monde conviendra que leur présence au Palais-Bourbon n’est pas de nature à y rendre les discussions plus pacifiques. On assure que parmi les nouveaux, encore inconnus, il en est quelques-uns qui ont ce même caractère à un degré supérieur encore. La dernière Chambre avait M. de Bernis et M. Gérault-Richard qui se sont rendus célèbres par une scène de pugilat comme on n’en avait encore vu en France à aucune époque : ils seront remplacés, dit-on, sans désavantage dans la spécialité où ils s’étaient déjà si fort distingués. S’il en est ainsi, la nouvelle Chambre sera parfois difficile à gouverner.

On lui cherche un président. Les radicaux ne peuvent avoir d’autre candidat que M. Brisson ; les modérés n’ont pas encore choisi le leur. M. Brisson s’est beaucoup compromis dans ces derniers temps. Le discours par lequel il a clôturé les travaux de l’ancienne Chambre, le rôle qu’il a joué dans plusieurs élections, le langage qu’il a tenu dans la sienne propre, ont découvert en lui l’homme de parti plus qu’il n’était convenable chez un président auquel ses amis attribuaient un caractère professionnel. Sa candidature, qui n’était plus contestée à la fin de la dernière législature, le sera certainement au début de celle-ci. Il ne faut pourtant pas confondre la question présidentielle avec la question politique. Beaucoup de députés élisent tel ou tel président