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PATRIE, ARMÉE, DISCIPLINE


I

Dire avec Renan que « la guerre est essentiellement une chose d’ancien régime », c’est dire qu’elle n’est pas de l’essence du nouveau ; et comme d’ailleurs il ne saurait exister d’ennemis là où la guerre est reconnue dénuée de causes, c’est enfin supposer qu’aujourd’hui aucun peuple n’a d’ennemis. Une pareille assertion n’exprime assurément point la vraie pensée de Renan. Il a voulu dire, sans doute, que, de nos jours, l’usage de la force pour régler les conflits internationaux est en contradiction avec les principes de morale professés par les nations civilisées ; en d’autres termes, que, logiquement, elles ne devraient jamais être ennemies. Plût à Dieu qu’il en fût ainsi ! Malheureusement, nous savons trop qu’en réalité il n’en est rien. Aussi nul peuple, soucieux de sa conservation et de son indépendance, ne peut-il raisonnablement amoindrir ses forces militaires, ni même risquer de les amoindrir, à moins que les autres n’en fassent autant. Pour quiconque est renseigné à cet égard sur les dispositions de la plupart d’entre eux, cette simple remarque suffirait à condamner chez l’un d’eux toute réforme individuelle de ses lois militaires dans un sens compromettant pour sa sécurité au milieu des autres.

La puissance d’une armée se compose d’élémens nombreux dont il ne sera pas inutile de rappeler au lecteur les plus essentiels pour lui permettre de se bien représenter les aptitudes qu’il importe de recruter et le grand nombre des volontés qu’il est indispensable de coordonner et de concerter pour l’exercice de cette puissance. Je signalerai les suivans :

1° L’aptitude mentale, innée ou acquise (génie spécial, solide instruction militaire) ; 2° l’aptitude morale (courage et constance) ; 3° l’aptitude physique (vigueur musculaire et résistance à la fatigue, aux privations accidentelles).