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dans la personne et les biens des particuliers dont ils se contentaient de présumer injurieusement la complicité ! Rien de plus absurde ni de plus odieux à la fois.

Mais, chez la plupart d’entre eux, cette présomption n’a été qu’un prétexte à l’assouvissement de rancunes personnelles, et soulève une question coloniale étrangère à celle que je vise.

Si les précédentes considérations sont justes, s’il est vrai que le partage de l’espèce humaine en peuples distincts, aux intérêts distincts, soit un fait présentement indestructible symbolisé par l’idée de patrie, et que cette idée, avec les sentimens qui l’accompagnent, domine la conduite de tous les peuples dans leurs mutuelles relations, il s’ensuit donc que les armées, sauvegarde des intérêts respectifs des diverses patries, sauvegarde de leur existence même, doivent être maintenues et fortifiées proportionnellement aux exigences de la défense nationale. Toute réforme tendant à y atténuer la sanction pénale de la discipline ou, d’une manière quelconque, à en relâcher les ressorts matériels ou moraux chez un peuple est, par suite, pour celui-ci d’une gravité capitale car, si les autres peuples, contens de leur régime, s’y tiennent, elle risque de mettre sa puissance militaire dans un état d’infériorité relative, compromettant pour sa sécurité, pour l’intégrité même de son territoire.

Etait-il vraiment utile d’en écrire si long pour aboutir à une conclusion qui semble n’être qu’un truisme, une naïveté ? J’en suis confus. Mais les vérités les plus palpables sont tellement obscurcies, les conditions vitales de toute société tellement menacées par les spéculations d’esprits à la fois précipités et simplistes dont les mobiles n’ont rien de commun avec l’instinct de la conservation nationale, qu’il en faut bien remettre en pleine évidence et au point les données fondamentales.


II

Avant de toucher aux lois et aux règlemens disciplinaires existans, il importe d’abord de consulter l’état moral de la nation intéressée. Il s’agit, en effet, d’assurer l’obéissance qui est l’effet immédiat de ces mesures et sans laquelle on doit renoncer à obtenir d’un groupe d’individus différens de caractère et d’intelligence n’importe quel résultat collectif. Chacun tirant de son côté, le désarroi serait certain. Remarquons tout de suite que