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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 147.djvu/91

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— C’est une bonne affaire pour tous, répondit Orain.

On se mit en route, quatre par quatre. Plusieurs avaient des fusils, quelques-uns des épées, d’autres ne portaient que des bâtons. Ils prirent le chemin de la Celle, passèrent le Couësnon au Gué-Perrier, à l’aide du bateau de la veuve Raouline Guichard, et suivirent quelque temps la rivière. Tandis qu’ils remontaient la rive droite, Gilbert crut apercevoir, dans la nuit, la silhouette d’un homme qui marchait sur l’autre bord, se dissimulant derrière les arbres. Il cria : — Qui va là ?

— Je n’ai pas besoin de me nommer, repartit l’autre ; Jamet et Berthelot sont-ils avec vous ?

On lui répondit que non, et c’était vrai, du moins pour Jamet qui, après le repas, s’était éclipsé sous un prétexte futile. Gilbert insista :

— Si tu ne dis pas ton nom, je te tire un coup de fusil.

— Je ne peux pas vous apprendre mon nom, répliqua l’homme.

Mais à l’intonation de ces mots, Gilbert reconnut le sieur Ricault, curé réfractaire de Sougeal : rassuré, il en fit, à haute voix, l’observation à ses camarades.

— Ne dites pas que vous m’avez vu, cria Ricault.

Et, hâtant le pas, il disparut.

La bande poursuivit sa route. Au village de la Barbaie. Julien le Pauvre et Mathurin le Marchand frappèrent à la porte d’un cabaret et demandèrent le chemin de la Rouerie. On apercevait, dans les sentiers convergeant vers le château, d’autres troupes, arrivant de Sacey et échangeant, en manière de signaux, des coups de sifflet. À la lisière du bois de Bannières, un cri de Halte ! qui vive ? arrêta les gens de Sougeal. Orain répondit : Ami de la Garde ! Un homme sortit du bois, vint à leur rencontre et quelques-uns reconnurent que c’était André fils, colonel de la garde nationale d’An train. André les accompagna le long des avenues.

Au portail de la grande cour, deux abbés, montant la garde, armés de pistolets, demandèrent aux arrivans le nom de leur chef. Ils répondirent que c’était Louis Orain ; sur quoi ils durent attendre quelques instans, pendant qu’on prévenait au château. Il était environ une heure du matin, toutes les fenêtres de la façade étaient éclairées : la cour était pleine d’hommes et de chevaux : on entendait « beaucoup de bruit dans les greniers de l’écurie