Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 148.djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et du baron Louis. Persistant à ne vouloir pas se séparer de la gauche, ils étaient hostiles à une mesure qu’elle désavouait, retirant du renouvellement partiel de trop précieux avantages pour consentir à y renoncer. Les trois ministres partisans d’une réforme considéraient que gagner la partie en de telles conditions, c’était marcher à une défaite. Il fallait donc n’y plus penser ou, si l’on se décidait à en courir le risque, modifier le ministère et l’ouvrir à des hommes de droite.

Ici se posait pour Decazes une question délicate. Convenait-il qu’il restât dans le gouvernement, au moment où celui-ci se faisait l’artisan d’une politique contraire à celle qu’il avait toujours soutenue ? A la question présentée en ces termes, la réponse ne pouvait être douteuse. Decazes était tenu de se retirer et de laisser à d’autres le dangereux honneur de revenir en arrière. Mais il espérait encore obtenir des centres et des modérés de la droite, sans se livrer à elle, les élémens d’une majorité favorable à la réforme électorale. Ce n’est pas une politique de droite qu’il voulait pratiquer, mais celle qu’avait suivie pendant trois ans le ministère Richelieu et qu’avait dénaturée, en l’exagérant, le ministère Dessoles. Pour obtenir, dans cette mesure, le concours des droites, les ministres firent sonder Villèle ; on lui laissa même entrevoir la possibilité de son entrée dans le cabinet. Tout en se déclarant disposé à défendre la réforme, si la loi nouvelle donnait aux royalistes des satisfactions, Villèle refusa de se prêter à des conférences où eussent été discutés les moyens d’en assurer le succès. Ce refus ne déplut pas à Decazes. Ce n’est pas avec Villèle directement qu’il tenait à s’entendre, ne souhaitant pas le voir dans le même ministère que lui, mais avec Richelieu, qu’il rêvait de remettre à la tête du Conseil, en vue de l’épreuve qui maintenant s’imposait. Les relations affectueuses rétablies entre eux lui permettaient de s’ouvrir en toute sincérité à l’ancien président. Il préféra cependant demander au Roi de le pressentir. Il alla lui-même chercher Richelieu et le conduisit aux Tuileries. Une lettre du Roi, à la date du 4 octobre, fait connaître le résultat de la visite :

« Je viens, mon cher fils, de voir le duc de Richelieu… Tu me l’as amené au moment où j’allais entendre la messe, au moyen de quoi je n’ai eu que le temps de ne pas le mal recevoir, et nous n’avons causé qu’après ma rentrée… Je l’ai retrouvé tel qu’il a toujours été, ennemi des ultras. Il s’est montré