Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 148.djvu/90

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parlé de Louis XIV. Connaissez-vous dans les écrits des défenseurs de la religion rien de plus admirable que la première partie de la confession du Vicaire savoyard dans Emile ? Tournez la page et vous verrez ce qu’en pense l’auteur. Je ne te cacherai pas cependant que les motifs que tu allègues, sans diminuer ma répugnance, ébranlent ma résolution. Nous en reparlerons ce soir. »

Le soir venu, Decazes plaide la cause de l’élu de l’Académie et fait connaître au Roi l’engagement qu’a pris Lemontey de réparer dans son discours de réception ses torts d’historien. L’exclusion n’est pas prononcée ; le Roi attend le discours. Il le reçoit le 27 juin et sa bile s’épanche :

« J’ai eu bon nez, mon cher fils, de ne pas vouloir lire le discours de M. Lemontey avant de le recevoir. Au moyen de cela, j’ai pu, sans mentir à ma conscience, dire que je me promettais du plaisir à cette lecture. Je me fiais à la parole que tu m’avais donnée qu’un bel éloge, et assurément ce n’était pas bien difficile, réparerait le libelle publié contre la mémoire de Louis le Grand. Au lieu de ce que j’attendais, qu’ai-je trouvé ? que l’Académie française fut le fruit de la haute politique de Richelieu et de la magnificence éclairée de Louis XIV. Voilà bien assurément de quoi satisfaire un fils qui demande réparation pour les mânes de son père !

« Quant au fond du discours, je conviens qu’il était très difficile d’être très religieux, en faisant l’éloge d’un homme aussi impie que l’abbé Morellet. Mais pourquoi le louer d’avoir coopéré à l’Encyclopédie ? Il était si aisé, après l’avoir peint d’une manière large comme l’ami des gens de lettres les plus célèbres de son temps, d’arriver promptement à ce qui lui fait vraiment honneur, au courage avec lequel il défendit les victimes de la Révolution et là, de lui donner les louanges qu’il mérite, et de faire d’autant plus ressortir cette belle partie de sa vie que le reste eût été dans le dernier jour. Mais j’ai un reproche plus grave à lui faire, c’est d’avoir calomnié le Parlement et la Sorbonne.

« Sans doute, quand l’inoculation parut, beaucoup dames pieuses, mes parens étaient du nombre, l’envisagèrent comme un péché, parce que c’était exposer sa vie à un danger présent pour en éviter un qui pouvait ne jamais arriver. Mais qu’on me cite l’arrêt du Parlement qui défend cette méthode ou le jugement de la Sorbonne qui la condamne. Quelques magistrats