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immédiatement avant le déjeuner, s’est terminé là. Je ne crois pas avoir mal répondu. Mais les larmes que j’ai vu répandre pèsent sur mon cœur. »

Toutes les lettres du Roi ne sont pas aussi mélancoliques. En voici une qui respire la bonne humeur, voire la gaîté :

« Ma marche, de ma toilette ici, ce matin, a été faiblotte, ce qui m’a fait renoncer au projet de recevoir les ambassadeurs debout, ne voulant pas


« Montrer aux nations Mithridate détruit ;


et je l’ai annoncé à tout le monde. Mais, après le déjeuner, j’ai cru me sentir plus de force. J’en ai fait une petite expérience qui m’a réussi ; cela m’a encouragé. Après la messe, je me suis fait rouler jusqu’à la porte de la salle du trône ; là, je me suis levé et j’ai été à pied gagner mon fauteuil où j’ai attendu ces messieurs, et quand ils ont eu fini leurs révérences, que je n’ai pas voulu recevoir debout, ce qui eût été trop fatigant, je me suis de nouveau remis sur mes jambes, j’ai fait mon tour d’Europe ; puis, j’ai salué et je m’en suis allé reprendre ma voiture où je l’avais laissée. »

Une goutte chronique, compliquée d’une obésité douloureuse, entrave constamment ses projets. C’est ainsi qu’en cette même année 1819, ayant voulu enfin se faire sacrer et fixer la date de cette cérémonie sans cesse ajournée, il en est à trois reprises empêché « par l’état de ses jambes qui lui jouent de biens vilains tours ». Il est réduit à passer de longues heures dans son cabinet, assis devant la table de bois blanc qu’il a rapportée d’Hartwell. Pour tromper la longueur des heures, il lit et écrit sans cesse, ce qui explique son abondance épistolaire. Elle ne suffit pas toujours à son activité et c’est à son favori qu’il réclame des occupations :

« Tu m’as dit hier soir, mon cher fils, qu’il te venait mille idées pour ton futur discours pour les journaux, mais que ce serait le diable de les mettre en ordre. Cela m’en a fait venir une.

« Mets les tiennes par écrit, sans ordre, sans liaison, cela n’en vaudra que mieux pour mon projet, et puis donne-moi l’écheveau. Je me charge de le dévider ; je le ferai un mauvais peloton. Mais, comme il ne sera pas ton ouvrage, tu auras moins de peine à le mettre en ordre. Ne plains pas la mienne. Travailler pour toi est un tant doux plaisir ! »

La vivacité de l’affection paternelle que Louis XVIII a conçue