Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Madame Bonaparte sont retirées : la Louise Compoint, du voyage d’Italie, qui, malgré les secours de sa maîtresse, mourra du sot mariage qu’elle a fait sur le tard ; l’Agate Rible, du retour d’Egypte, riche d’une pension de 2400 francs, de la conciergerie de Fontainebleau pour son mari, de la lingerie pour elle, qui emporte de plus, à chaque occasion, des présens de Joséphine, et qui reçoit les souvenirs reconnaissans des anciens fournisseurs.

Sous l’Empire, il y a, portées aux états, deux premières femmes, quatre femmes de chambre, une garde d’atours, quatre femmes et une fille de garde-robe ; mais ce n’est là qu’un étalage : ainsi les deux premières femmes ne sont là que pour la montre et l’étiquette : elles n’ont nulle entrée dans l’intimité, et leur titre, accompagné de 6 000 francs de gages, reste presque sans fonctions.

L’une, Madame Saint-Hilaire, a été introduite par Madame Campan en thermidor an XII (août 1804). C’est une ancienne femme de chambre de Madame Victoire de France, la fille d : un valet de chambre de Madame Adélaïde, et son mari est employé au ministère de la Guerre. A en croire sa protectrice, elle a bon maintien, figure intéressante, excellente éducation, grande adresse ; elle s’entend fort bien à entretenir une harpe. Nulle fortune et plusieurs enfans : cela intéresse Joséphine, qui la prend. Une des filles, monstrueuse d’embonpoint, a une voix extraordinaire pour son âge et l’Impératrice lui fait donner des leçons par Blangini. Un fils est cet Emile-Marc Saint-Hilaire, dit Marco de Saint-Hilaire qui, profitant d’une similitude de nom avec Alcide Le Blond de Saint-Hilaire, neveu du général tué à Wagram, a, durant trois quarts de siècle, mystifié ses contemporains en leur faisant croire qu’il avait été page de l’Empereur et qu’il apportait sur l’Empire les souvenirs intimes du témoin le mieux placé. Madame Saint-Hilaire, entrée humblement, ne tarda point à vouloir imposer les façons de l’ancienne cour qu’elle disait connaître, et ses prétentions, son importance, ses luttes de préséance avec les femmes de garde-robe, l’attention qu’elle entendait qu’on prêtât à ses accidens, sa santé et ses malheurs, firent la joie de la domesticité et égayèrent même les dames du Palais et l’Impératrice. Mais elle n’en faisait pas sonner moins haut son titre de « première femme de l’Impératrice, » écrivait d’un ton d’égalité à « Monsieur le Préfait de la Seine » et, pour ses lettres, faisait usage d’un cachet où, sous une couronne ducale, ayant pour cimier une licorne naissante,