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ordinairement les propres garçons de bureau de la Mairie, — à qui, s’ils ne sont pas assez nombreux, on adjoint quelque collègue pris à l’Hôtel de ville. Ces « agens recenseurs, » on ne sait trop qui les a jadis investis ; on ne les choisit pas, on en hérite, ils sont là de fondation, et les chefs se les passent les uns aux autres, comme les coureurs antiques le flambeau de la vérité. Ils reçoivent les fiches en leurs mains redoutables et, armés ainsi, s’en vont de porte en porte, ou plutôt de loge en loge, car, dans l’accomplissement de leur mission, ils n’ont guère qu’un seul collaborateur : le concierge. Ils font l’appel : « Avez-vous encore un tel ? un tel ? un tel ? » Si le digne homme répond oui, un tel est maintenu ; s’il répond non : « Déménagé, » en donnant une adresse précise, mention en est aussitôt portée.

Et c’est de la sorte, sans plus d’affaires, sur la foi du concierge attestée par l’agent recenseur, qu’est confirmée, retirée ou transférée ailleurs, pour chacun de nous, sa souveraineté. C’est de la sorte que, les radiations et les inscriptions d’office étant faites, — on inscrit d’office, par exemple, les jeunes gens qui viennent d’accomplir leur vingt-et-unième année et sont par-là même promus à la dignité de citoyens, — est établie cette liste, préparatoire quant à celle qui suivra, ou rectificative quant à celle qui l’a précédée, que la commission administrative examine avec tant de soin. Du 16 janvier au 4 février, la loi veut que les listes soient à la disposition de tous les électeurs, qui peuvent faire toutes vérifications, produire toutes réclamations. Et, vers le 8 février, dans la même salle, autour de la même table, les mêmes visages se retrouvent ; mais ce n’est plus « la commission administrative, » deux nouveaux membres, élus par le Conseil, ont fait d’elle « la commission municipale, » et ce n’est plus « la liste préparatoire » qui lui est soumise, c’est « la liste définitive ; » pas si définitive, toutefois, qu’il n’y ait recours contre elle jusqu’au 31 mars ; après quoi, elle est inaccessible, et serait close no varietur, si la mort, d’une part, et les tribunaux, de l’autre, qui n’ont pas le respect superstitieux du Suffrage universel, suspendaient leurs coups et ne venaient pas encore déranger dans leurs boîtes les fiches où dort le peuple souverain.

N’est-ce pas qu’il se dégage de ces opérations comme un parfum d’honnêteté ? Contre l’erreur et la fraude, il semble que toutes les précautions aient été observées. Les portes sont grandes ouvertes ; par les fenêtres sans rideaux, à travers les vitres bien