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Sauf quelques variantes et quelques incidens, tantôt violens, tantôt comiques, il en va ainsi de toutes les réunions publiques ; et elles sont toutes les mêmes ; et l’on pose dans toutes les mêmes questions, parce que ce sont les mêmes personnes qui les suivent toutes. Que ce soit à un bout ou à l’autre de la circonscription, les mêmes têtes sont là ; il n’y en a guère de nouvelles ; il n’est entré dedans rien de nouveau, et les mêmes « orateurs » promènent de salle en salle les mêmes discours, comme les mêmes interrupteurs les mêmes stupidités ou les mêmes grossièretés. La réunion, publique est, à vrai dire, la représentation que le candidat est obligé, sans nul profit pour sa candidature, d’offrir au corps électoral, le jeu cruel et humiliant par lequel on lui fait expier la témérité grande qu’il a de vouloir s’occuper des affaires du pays ; elle n’est que cela. Dans la traduction moderne du cri romain : Panem et circenses, elle figure les circenses. S’il n’est pas homme à « livrer sa vie à ces huées » et à « monter sur ce tréteau banal » du Suffrage universel, que le candidat se retire vite ! Ce ne sont point ici plaisirs de délicats. D’y aller ne lui sert à rien, mais de n’y pas aller servirait à ses adversaires à répandre le bruit qu’il « a peur, » qu’il « fuit la lumière ; » car il paraît que c’est « fuir la lumière » que de ne pas goûter ces bagarres où l’on ne peut que gesticuler dans le noir et où, matériellement même, pour ramener un peu d’apaisement, il ne reste souvent que ce moyen héroïque : éteindre le gaz !

Si encore, revenu chez lui, le malheureux y trouvait un peu de repos ! Mais point. Des amis l’attendent éperdus : « Nous sommes couverts ! On ne voit plus une affiche ! » D’autres lui apportent un journal : « C’est dégoûtant ! Avez-vous vu cet article ? » Le comité tient à lui faire une communication urgente et grave. Un concurrent vient de placarder un appel signé d’une centaine de noms : tôt il faut répondre par un contre-appel et recueillir un nombre double de signatures. Le comité ! Si les semaines qui précèdent l’ouverture de la période électorale marquent le règne du marchand de vins, la période elle-même est le règne des comités. Il y en a de trois espèces au moins : il y a le comité remuant, encombrant, compromettant, tyrannique, qui « va de l’avant », dispose, ordonne, tranche, et fait aisément des sottises ; il y a le comité placide, qui observe, contemple, ne bouge pas, a de toutes manières l’encouragement discret et dont on ne sent autour de soi que la sympathie molle et atone ; il y a enfin